La Musique de Chambre de Claude Debussy par le Kuijken Ensemble

par Frédéric Degroote
jeudi 25 février 2016

Dans un certain imaginaire de mélomanes et de musiciens, Debussy est souvent présenté comme un compositeur impressionniste. Or, s'il en est bien un que l'on ne peut faire rentrer dans une case, c'est bien lui. Son oeuvre est jalonnée par bon nombre d'influences et est annonciatrice du bouillonnement musical du XXème siècle. Que ce soit dans l’utilisation des rythmes, l’association des sons, tout est prétexte à l’éclatement des idées préconçues sur la musique de son temps. Et même s’il n’obtient jamais son prix d’écriture, il crée un langage complet et équilibré. Sa production chambriste que nous propose le Kuijken Ensemble dans cette réédition de l’enregistrement de 2000 (Arcana/Outhere Music) occupe une place toute particulière dans son catalogue. Avec ces quelques pièces, c’est une recherche de la justesse et de la simplicité au service de l’émotion pure qui est engagée. Une recherche rondement menée par l’ensemble belge.

 A une époque où l’ « historiquement informé » devient un label que l’on colle un peu partout, Sigiswald Kuijken prévient que l’on ne peut pas (ou du moins pas encore) parler d’une approche de ce genre pour la musique de Debussy. Il faudrait, selon lui, peut-être encore un autre siècle pour avoir assez de recul sur la création de ce génie musical. Si le groupe fait toutefois le choix d’instruments d’époque ou de copies de ces derniers, leur utilisation n’est pas un but en soi mais plutôt un outil pour permettre une lecture version « Kuijken » de cette partie peu enregistrée du catalogue du compositeur. Une belle manière de nous rappeler que l’on a beau utiliser un instrument d’époque, c’est bien le musicien qui impose son empreinte sonore à un répertoire joué.

Si l’idée de base de Debussy était de simplifier l’écoute de la musique de son époque, l’ensemble belge nous en offre une lecture fraîche et limpide. Même si, comme expliqué plus haut, le choix d’instruments d’époque a plus été pensé comme une nécessité, on admet volontiers que l’utilisation de ces derniers est d’un intérêt qui va au-delà du décoratif. Pour la Syrinx interprétée par Barthold Kuijken (extrait ici), on échange les sonorités argentées et un peu froides de la flûte « moderne » pour des couleurs chaudes et mordorées d’une flûte d’Auguste de Bonneville de 1910 qui évoque d’ailleurs beaucoup plus la flûte de Pan. Le reste du disque offre de nombreuses autres qualités : on laisse les partitions s’exprimer d’elle-même sans effusions inutiles, une grande symbiose entre les instruments est palpable même dans le Quatuor à cordes dont l’écriture moins « colorée » rend l’exécution plus classique. À son opposé, la fantaisie et la sensibilité, si chères aux yeux du français, sont exaltées dans la Sonate pour flûte, alto et harpe. C’est avec bonheur que l’on voit la harpiste belge Sophie Hallynck rejoindre la famille Kuijken pour cette œuvre marquée, selon son propre créateur, par la plus douce des mélancolies. 



Tant pour les amateurs de Debussy que pour les mélomanes, cette réédition est une aubaine. La politique d’Arcana en la matière est d’ailleurs des plus heureuses puisqu’à côté des nouveautés, c’est tout un pan de son catalogue épuisé qui est remis à l’honneur.

                                            Maxime Melnik



Claude Debussy (1862-1918)
Chamber Music

Kuijken Ensemble

2016 Arcana/Outhere Music A 392


Ce disque peut être acheté ICI


Lire l'article complet, et les commentaires