La musique de Cuba au plus haut
par olivier cabanel
samedi 28 août 2010
Chacun connait la merveilleuse histoire du « Buena Vista Social Club », lorsque Ry Cooder découvrant par hasard l’existence de ce club, en regroupa les musiciens, leur proposa un studio, en fit un enregistrement et arriva à convaincre Wim Wenders d’en faire un film
Ce film propulsa ce groupe de vieux musiciens (certains avaient passé les 80 « balais »), sur des scènes mondiales et triomphales. vidéo
Ils avaient pour nom Compay Segundo, Eliades Ochoa, ibrahim Ferrer. Omara Portuondo, Ruben Gonzalez, Orlando Lopez, Amadito Valdés, Manuel Mirabal, Barbarito Torres, Pio Leyva, Manuel Licea, et Juan de Marco Gonzalez.
Leurs noms resteront gravés dans nos mémoires.
Bien sur Wim Wenders est le réalisateur du film, mais tout le mérite revient d’abord à Ry Cooder, compositeur de la musique de « Paris Texas » et de « the end of violence ». lien
Cooder avait eu connaissance, lors d’un voyage à Cuba, de l’existence de ce légendaire club de musiciens « Buena Vista Social Club », et en avait fait un premier enregistrement.
Certains ne jouaient plus, comme le pianiste, que l’on croyait atteint d’arthrose, mais qui ne jouait plus pour la bonne et simple raison qu’il n’avait plus de piano.
Tout simplement.
A force d’insister, Cooder obtint de Wenders qu’un film soit réalisé là-bas lors d’un nouvel enregistrement.
Le disque a remporté un « Gramy » en 1997, et le magazine « Rolling Stone » l’a classé parmi les 500 plus grands albums de tous les temps.
Le Film, sorti en 1999, a connu un énorme succès, et a été projeté dans de nombreux festivals, à commencer par « les Berlinales »
Aujourd’hui, un certain nombre de ces musiciens nous ont quittés :
Compay Segundo avait 96 ans, Ruben Gonzalez 84 ans, Ibrahim Ferrer, 78 ans, Pio Leyva, 89 ans et Orlando Lopez, 76 ans, en février 2009, mais avant de disparaitre, ils ont fait des petits.
Et ces petits sont en train, à leur tour, de devenir des géants.
Comme par exemple Michel Camilo, que l’on peut voir et écouter sur ce lien
Prenez les sept minutes proposées de ce morceau pour partager seul ou en bonne compagnie ce merveilleux moment.
Ou même Omar Sosa, pianiste plus qu’inspiré.
lien Chucho Valdes génialissime (vidéo),
Comme il le dit lui-même, « le Jazz et la musique afro-cubaine, d’une certaine manière, sont la même chose. Elles partagent un tronc commun et ont une même réalité, la mère Afrique ».
Il était invité en 2007 avec son trio au festival de jazz d’Eymet, prés de Marmande, accompagné d’un admirable bassiste, et d’un batteur précis, incisif et inventif.
Cet été, Marciac, célèbre pour son festival a reçu entre autres Roberto Fonseca, Chucho Valdes & the afro cuban Messengers (une référence au « Jazz Messengers » chers à Art Blakey), et leur concert est encore dans toutes les mémoires. lien
Ce n’est pas une première, ils étaient déjà là en 2008, c’était le 11 août. vidéo
Cuba, ce n’est pas seulement cette petite ile dont le leader, devenu avec le temps, despote, chassa l’Amérique friquée de ses plages dorées, c’est aussi la patrie d’un étrange mélange de noirs, d’indiens et de blancs.
Au départ peuplé de Siboney et de Tainis, tribus indiennes, Christophe Colomb leur envoya ses sauvages espagnols, et éradiqua quasiment les autochtones en quelques années.
N’ayant plus de main d’œuvre, et pour cause, les Espagnols utilisèrent Cuba comme plaque tournante du commerce des esclaves noirs. lien
Tout çà est donc une affaire de métissage : des noirs, capturés pour servir d’esclaves, des indiens massacrés, des blancs prédateurs quittant leurs pays contraints ou pas, se retrouvant pour fonder une nation mélangée.
Sans oublier la violence subie par les indiens et les noirs, force est de constater que le métissage a aussi des aspects positifs.
Il suffit d’évoquer les patronymes qui gouvernent la France d’aujourd’hui : De Kouchner, à Estrosi, en passant par Sarkôzi, Woerth, Amara, Borloo, Devedjian, Waukiez, Rama Yade, Morano, Kosciusko-Morizet…
n’est-ce pas la vie de toutes les nations qui est racontée ici ?Une leçon que tous les racistes devraient méditer.
La consanguinité n’a jamais donné de très bon résultats.
Django Rheinardt, par exemple, a su mélanger sa culture gitane et le Jazz, pour lui donner une nouvelle couleur. lien
On imagine avec effroi qu’aujourd’hui, Django et ses amis auraient été tout purement et simplement reconduits à la frontière.
Mais quelle frontière ?
Les gens du voyage en ont-ils une ?
Des chercheurs affirment qu’ils sont originaires d’Egypte, puis qu’ils sont venus en Europe, dans les pays Tchèques. lien
En 1763, un étudiant en théologie hongrois, Stefan Vali, finit par découvrir aux Roms une origine Indienne. lien
D’autres les prétendent Hongrois, Serbes, Tchèques, Roumains…
Mais ne sont-ils pas aussi martyrisés en Roumanie, en Serbie ? Jusqu’en 1850, ils y avaient le statut d’esclaves. lien
Les prisons sont-elles leur seule patrie ?
Tous ces peuples en exode permanent, comme les gens du voyage, ou provisoire, comme l’ont été les noirs, sont aussi porteurs de culture et leur musique fait partie de notre vie de tous les jours. Vidéo
Et pourtant notre reconnaissance ne leur est pas acquise, loin de là !
On sait aujourd’hui que certains Roms ont parfois francisé leur patronyme, de crainte d’être stigmatisés.
Par exemple « Sarközi » a quitté son "tréma" sur le O pour l’éloigner de son origine Rom.
C’est du moins ce qu’affirme le porte parole autrichien des Romanichels, un certain Rudolf Sarközy. lien
L’histoire est décidemment cruelle.
Car comme disait mon vieil ami africain :
« L’héritier du léopard hérite aussi de ses taches »
L’image illustrant l’article est tirée de : sortilège. Blog.