« La Petite Catherine de Heilbronn » d’ Heinrich Von Kleist au théâtre de l’Odéon - Ateliers Berthier
par Theothea.com
mardi 29 janvier 2008
De Catherine à Cunégonde, le coeur de l’aimant balance, mais pour autant Frédéric se trouve désemparé face à une schizophrénie du sentiment où s’entremêleraient fascination et irrationalité.
A son insu, ce Don Juan n’en peut plus car le songe s’est emparé d’une liaison amoureuse improbable où la conscience de l’attirance ne serait pas liée aux lois physiques de la séduction.
"Parce que c’était elle", "parce que c’était lui" vont s’imposer à des esprits en plein désarroi qui, confrontés à des témoignages contradictoires, vont devoir abdiquer en présence d’une attraction irrésistible.
En tant que fille présumée de l’empereur, c’est l’intuition qui va enchaîner la petite Catherine de Heilbronn selon les forces obscures de l’inconscient à celui qui, par sa simple présence, l’aura assujetti, sans le vouloir, à son destin.
C’est pourquoi Julie-Marie Parmentier (Catherine) aura raison d’Anna Mouglalis (Cunégonde) sa concurrente officialisée en gagnant virtuellement pour la seconde fois aux Ateliers Berthier le coeur de Jérôme Kircher (Frédéric).
En effet, sous la direction d’André Engel qui élabore une quête récurrente autour de l’amour passionnel, le couple Parmentier-Kircher s’affrontait déjà sur ce plateau délocalisé de l’Odéon lors de la création du Jugement dernier de Von Horvath. Il y eut ensuite la mise en scène du fameux Roi Lear avec Michel Piccoli et voici donc que reviennent maintenant en boomerang les affres romantiques d’un dilemme identitaire entre ange et sorcière gothiques sous la vigilance de Bérangère Bonvoisin, Evelyne Didi, Jean-Claude Jay, Gilles Kneusé, Arnaud Lechien,Tom Novembre et Fred Ulysse.
Certes Anna Mouglalis n’y a pas, à l’évidence, le beau rôle, mais sa voix grave et son port fier la rendent suffisamment persuasive pour effectuer ses premières armes professionnelles sur les planches.
Quant à Julie-Marie Parmentier, elle y excelle au sein de cette épopée de somnambulisme partagé avec son prétendant irrésolu qui, lui, n’aura de cesse de confondre sur la carte du tendre la voie royale de son salut entre les deux entités féminines.
Dans une scénographie monumentale de Nicky Rieti digne d’un opéra médiéval, la fantasmagorie de Heinrich von Kleist ajoutée au lyrisme d’André Engel emportent le spectateur dans le tourbillon d’un conte onirique et épique où les ruines de châteaux prendraient des allures fantomatiques de cathédrales prises dans un mouvement de ressac inexorable.
A "l’épreuve du feu" comme le souligne le sous-titre original, les sens aiguisés dans un état proche de l’hypnose tentent de lire la vérité au-delà des apparences, mais risquent de se fracasser dans un suicide collectif à l’instar de l’auteur et de son épouse.
Et cependant cette ordalie mystique pourrait faire chavirer la folie du côté d’une réalité tangible car il suffirait d’un presque rien imaginaire, si ce n’est le réveil, pour susciter le happy end.
Photo © Richard Schroeder
LA PETITE CATHERINE DE HEILBRONN - ** Theothea.com - d’Heinrich Von Kleist - mise en scène : André Engel - avec Jérôme Kircher, Julie-Marie Parmentier, Anna Mouglalis, Tom Novembre, Jean-Claude Jay... - Théâtre de l’Odéon Ateliers Berthier -