La phrase interrogative et l’équilibre des forces

par ANTONIN
mardi 14 septembre 2010

La phrase interrogative et l’équilibre des forces
 
Les titres des articles de : AgoraVox, Slate.fr, Rue 89, Le Point.fr,… sont régulièrement construits à la forme interrogative. Identifions un seul aspect du problème : quand le mot interrogatif initial d’une phrase est l’adverbe « pourquoi », lequel constitue la pierre d’achoppement de ce type de phrase.
 
Exemples :
Pourquoi les singes attaquent l’homme ?
Sciences et avenirs, le 12 août 2010
 
Pourquoi les Français préfèrent les ringards ?
Slate, le 10 août 2010
 
Pourquoi la fermeture de prisons vétustes fait débat ?
AgoraVox, le 31 juillet 2010
 
Pourquoi tout le monde meurt d’un cancer ?
Rue 89, le 25 juillet 2010
Pourquoi de nombreux français s’expatrient  ?
Le Post,le14 juin 2010
 
Pourquoi les hommes mentent et les femmes pleurent ?
Le Point.fr, le 12 juillet 2010
 
Prenons comme appui cette dernière phrase : est-elle équilibrée ?
 
Roman
 
Les bâtisseurs romans furent confrontés au délicat problème du poids de la voûte des édifices religieux qui exerçait une forte poussée sur les murs. Résolution décisive : opposer une force de contrebutement par l’utilisation de contreforts.
 
Donc, à la romane, appliquons un principe qui permettra à la phrase en question d’être conforme aux règles de la stabilité.
 
L’adverbe interrogatif « pourquoi » ainsi que le sujet « les hommes » exercent une importante charge sur le verbe « mentent ». Pour contrebalancer la force de cette charge, un contrefort doit intervenir afin d’équilibrer la poussée exercée sur le verbe, appelons-le : pronom de rappel.
Ainsi, il fallait écrire : Pourquoi les hommes mentent-ils et les femmes pleurent-elles ?
Et ainsi de suite :
Pourquoi les singes attaquent-ils l’homme ?Pourquoi les Français préfèrent-ils les ringards ? Pourquoi la fermeture de prisons vétustes fait-elle débat ? Pourquoi tout le monde meurt-il d’un cancer ?Pourquoi de nombreux français s’expatrient-ils  ?
Notre phrase de référence : Pourquoi les hommes mentent et les femmes pleurent ? (Firts Editions) est le titre d’un des livres de Barbara et Allen Pease. Tous les titres de cette série sont, d’ailleurs, construits à la forme interrogative avec l’adverbe « pourquoi » comme marqueur interrogatif et le point d’interrogation comme contrainte syntaxique, mais sans pronom de rappel : Pourquoi les hommes se grattent l’oreille et les femmes tournent leurs alliances ? Pourquoi les hommes n’écoutent jamais rien et les femmes ne savent pas lire les cartes routières ? En revanche, l’incipit du premier ouvrage cité est construit avec pronom de rappel : Pourquoi les hommes mentent-ils ?
 
Aggravons la confusion : le titre de l’édition de septembre 2002 : Pourquoi les hommes mentent et les femmes pleurent  est construit sans point d’interrogation et sanspronom de rappel ; celui de septembre 2006 est construit avec point d’interrogation, mais sans pronom de rappel, etc.
 
Il y a donc une certaine hésitation, une certaine imprécision, voire une contradiction dans l’application de cette modalité d’énonciation.
 
Place de Grève
 
Le 30 juin, un titre à la une d AgoraVox : Pourquoi la grève des chômeurs et précaires ne s’arrêtera pas, sans accompagnement ni d’un pronom de rappel, ni d’un point d’interrogation. Déséquilibre syntaxique ? Non. Par sa forme cette phrase est une interrogation indirecte ; l’introducteur voici est sous-entendu : [Voici] Pourquoi la grève des chômeurs et précaires ne s’arrêtera pas. La règle de la reprise du sujet par un pronom de rappel ne s’applique donc pas.
 
Romancier
 
Dans Le dernier homme (Gallimard, Coll. l’Imaginaire, 1992) de Maurice Blanchot, on trouve de nombreuses applications de la phrase à la forme interrogative : Je suis environné de question, dit le narrateur.
 
Un seul exemple : Pourquoi, une seule fois atteint, l’équilibre est-il à nouveau et comme à jamais perdu ?
 
Du même auteur, en guise de passage final, une phrase non pas interrogative mais assertive, merveilleusement équilibrée, par disposition régulière des voyelles et des consonnes :
 
Nos paroles sont seulement si légères qu’elles s’ouvrent sans cesse en question.

Lire l'article complet, et les commentaires