La plus grande héritère du monde

par Frédéric Degroote
mercredi 9 décembre 2009

 Il en faut peu pour exhumer les souvenirs d’une peinture trônant vaillamment dans une chambre d’adolescent. D’un jeune garçon passionné de moyen-âge et plus généralement d’histoire de France. D’un catalogue d’une exposition qu’on n’a jamais visitée mais dont on se rappelle encore précisément le prix, acheté un sa
medi après-midi à la Fnac : 53,50€. D’un pélerinage au Château de Wijnendale près de Torhout en Flandre Occidentale, lieu où elle subit sa chute fatale. De son portrait au Château de Gaasbeek, beaucoup moins émoustillant que celui de profil en couverture dudit catalogue. Portrait mitigé certes mais non moins intriguant. Ici point de candeur, mais ce regard, ce doigt pointé, ce faucon, ce corsage, cette inscription "Maria Karoli Filia", ces traits mal dessinés !

Marie de Bourgogne (1457-1482) , fille du roi de France Charles le Téméraire, incarnait le raffinement, l’élégance de cette fin de 15ème siècle. Quelle chance pour Maximilien d’Autriche, issu de la dynastie des Hasbourg, dynastie qui verra enfanter notamment Philippe, lui-même père du fameux Charles Quint. Chance donc pour Maximilien, dont on dit qu’il forme avec Marie un couple très uni : toutes les chroniques l’attestent. "Marie aimait fort son mari et était dame de bonne renommée". Les époux font chambre commune et chassent ensemble. Le soir, ils écoutent de la musique et jouent aux échecs. Eux qui ne parlaient pas la même langue le jour de leur mariage

Et puis, ce destin tragique. L’accident de chasse.
Car ce fut aussi l’occasion de découvrir pour la première fois l’adjectif "folâtre". Dans ses Mémoires, Philippe de Commynes, chroniqueur reconnu de son époque, peut se targuer quelques 498 ans après sa mort, d’avoir à tout jamais associé cet adjectif à Marie de Bourgogne dans mon esprit.

Le 27 mars 1482, chassant l’épervier - détail ô combien frissonnant - Marie était donc "folâtre et gaie".

"L’air est pur et limpide ; Marie, folâtre et gaie, chasse l’épervier. En traversant un canal, elle tombe. Elle chevauchait un cheval ardent. Il la fit tomber sur une grande pièce de bois. Elle est écrasée, la cage thoracique est défoncée, les mains sont disloquées et même retournées. Elle est ramenée à Bruges : jour après jour, son état empire. La fièvre la prend et ne la quitte plus."

De son lit, elle dictera son testament. 1477-1482 : cinq ans de règne, de bonheur tranquille, qui se résume à la sauvegarde de l’héritage bourguignon. "La plus grande héritière qui fust de son temps" a pesé de tout son poids sur l’Etat bourguignon par son courage, malgré sa prépondérance politique, sa richesse et son luxe. Son mariage dessinera l’Europe équilibrée et le renforcement de ses frontières intérieures.
Elle mourut d’avoir trop aimé l’équitation et la fauconnerie, cette si jeune duchesse dont Maximilien nous laisse une image de nacre : "à la peau blanche comme neige, aux yeux bruns et brillants (...) aux lèvres pures et rouges, la plus belle femme que j’ai connue.
 
 

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