La Possibilité d’une île, le film

par feelgood333
vendredi 12 septembre 2008

Ou la démonstration d’une culture française réactionnaire.
Le mercredi 10 septembre 2008, jour de sortie du premier film du controversé Michel Houellebecq, une adaptation de son propre livre qu’il coproduit à hauteur de 50 % et qu’il réalise.

Les a priori sont vastes, la salle de cinéma est vide, les bandes annonces sont étranges, les critiques : un pur lynchage.

Une adaptation

On pourra dire que le film de MH n’est pas une adaptation version Seigneur des anneaux, suivant scrupuleusement le livre, de son début problématique, à sa fin (heureuse ou non). Le moindre des respects que l’on puisse porter à cet effort de création est celui, de la part de MH, d’avoir fait un choix.

Car c’est ce que MH a fait, il a fait un choix : celui de la création, de l’expression artistique et sensible, d’une tentative de transmission de l’essence de l’artiste au travers d’un ensemble de décors mitigés, sublimes et kitsch, de dialogues d’un pur style houellebecquien aux paroles parfois téléphonées, de la mise en scène de clins d’œil, subtils ou non, d’humour très houellebecquien, de poésie graphique et d’adaptation risquée. MH est un homme courageux, car ce film est une vraie prise de risque, un véritable ovni, captivant, qui fait froncer les sourcils, qui peut frustrer ceux qui aimeraient voir les passages du livres inexistants dans le film.

MH a fait un choix, celui de mettre à l’écart la critique sociale développée par l’humoriste dans le livre (d’ailleurs on ne sait même pas qu’il est humoriste), d’exprimer, au sens poétique, un court passage du livre et de le laisser croître comme les racines d’une bouture extraite du livre initial.

L’ensemble est cohérent

L’effort conséquent sur les décors, sur les paysages splendides et les huis clos au carton-pâte futuriste, laissent une impression d’étrangeté intellectuelle, d’invraisemblance et d’étonnement.

Quels sont les buts d’une œuvre cinématographique ? De passer un moment léger en suivant une histoire très schématisée à la technique irréprochable et au scénario bidonné à grand coup d’intellectualisme et de lieux communs intellectuels français (La Boîte noire, Ne le dit à personne) ? Ou bien de recevoir en plein visage, d’être submergé, un instant de folie porté à l’écran ?

Je choisis le second cas, les souvenirs sont plus marqués, soyons honnêtes.

La pure haine, claire, cristalline, sortie de la plume des critiques français, a été si puissante qu’ils en ont oublié que ce film contenait des acteurs, dont le casting, la prestation, le jeu, l’humour et la sincérité ne sont pas à remettre en cause.

Techniquement, ce film offre la possibilité de croire à de l’humour volontairement mal placé, quelquefois au peu de finesse, ou au manque de moyens, mais ne laisse jamais penser qu’il s’agit-là d’un film bas de gamme sorti du chapeau d’une production française sans saveurs.

Benoît Magimel est touchant, le Raël version cinéma houllebecquien dispense une pensée sincère, drôle et expose une relation « père-fils » émouvante et talentueuse.

Les spectateurs scientifiques (comme moi), les vrais, ceux dont la passion des sciences allie épistémologie, philosophie et imagination et culture scientifique solide, apprécieront le mélange subtil de disciplines futuristes dans un décor informatique digne d’un Kubrick des années 70, cela est drôle et ouvert. Les thèses ne sont pas farfelues, elles ont une réelle existence dans l’imagination, la "Possibilité" porte bien son nom.

La haine viscérale d’une "masse (de) critique" incompréhensible



Que ce film ne plaise pas, cela peut se comprendre car la prise de risque de MH est un pari artistique considérable qui peut repousser, jusqu’à ses propres fans.

Que l’on manque d’indulgence envers le premier film d’un romancier, producteur et réalisateur, cela se comprend déjà moins. Il n’y a pas besoin de faire preuve d’une empathie immense pour imaginer la pression à laquelle MH a dû faire face. Et pourtant l’on se retrouve face un ramassis de violence verbale, sans arguments, une suite de paroles de haine relevant de l’antipathie personnelle et dont la France devrait se méfier.

La culture du désastre est en cours, il semblerait que les journalistes ne fassent pas leur métier, mais se promènent avec un fouet et font le choix collectif (au hasard ou non, c’est le mystère pour nous, en province) d’une victime à punir. Ce film ne mérite pas cette violence, dans le pire des cas, il pourrait recevoir une critique de qualité sur les choix qui peuvent causer la déception et qui se comprendraient, mais jamais la presse ne devrait autoriser ce genre de lapidation, à l’esprit taliban confinant à la dictature, au goût amer de vengeance et d’animosité découlant vraisemblablement d’un intellectualisme sadique de pseudo-responsables culturels français au bord de la perdition.

La possibilité existe

MH livre un film étrange, déroutant, mais plaisant pour les supporters de l’artiste. L’art contemporain, les risques visuels et humoristiques peuvent intriguer ceux qui ignorent l’œuvre de l’écrivain, et laisse une envie de découverte. Il prend la liberté de créer deux œuvres sur un socle commun, il propose la sur-création, libre à vous de l’accepter.
Quant à MH lui-même, il montre ici qu’il reste un sommet de la culture française, visionnaire, sensible, attendrissant et propose un fond très positiviste d’une surface noire et crasseuse de la vie, il est fidèle à lui-même et laisse son œuvre vivre d’elle-même, comme les personnages de ses romans, et espérons que ce film saura attirer le public qu’il mérite.


Lire l'article complet, et les commentaires