« La Puce à l’Oreille » Feydeau Nec Plus Ultra en Comédie-Française

par Theothea.com
lundi 30 septembre 2019

Dès l’entrée en salle Richelieu le décor, sur la scène quasi de plain-pied, s’offre apaisant avec son chaleureux feu de cheminée voire kitsch selon son mobilier années soixante, agrémenté d’une large baie vitrée en perspective d’une piste enneigée bordée de sapins s’affichant déjà comme un feu d’artifices prêt à pétarader en cascades hilarantes.

D’emblée en empathie avec cet accueil prometteur, le public attend, émoustillé, le coup d’envoi des réjouissances.

 

LA PUCE A L’OREILLE
© Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française

  

Comme en miroir à peine déformant durant cent quarante minutes, l’hôtel particulier des Chandebise et celui similaire des amours du Minet-Galant vont se répondre à distance selon trois actes et un aller-retour en fondus déchaînés selon un escamotage hallucinatoire entièrement dédié à la jubilation des spectateurs toujours en avance d’une berlue ou d’un leurre sur l’illusion collective.

Georges Feydeau est ancré aux didascalies de sa propre mécanique imparable pendant que Lilo Baur, au poste de pilotage, navigue avec inspiration exaltée dans la tourmente des consciences fourvoyées en pleine confusion mentale.

 

LA PUCE A L’OREILLE
© Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française

  

La troupe de La Comédie-Française prend le cahier des charges avec la grâce inénarrable du talent personnel liée à l’humilité unanime se mettant en transe solidaire au service d’une création assumée démente de bout en bout.

Si le délire de persécution pourrait être le moteur d’une synergie en déroute où jalousie, suspicion et tromperie rivalisent à qui mieux mieux au nom de l’Amour à (re)conquérir, c’est néanmoins sur le registre identitaire qu’il est pertinent d’aller dénicher le trompe-l’œil mettant en question récurrente l’abyme dans lequel chacun se dissimule jusqu’à être capable de devenir le parfait sosie d’autrui.

 

LA PUCE A L’OREILLE
© Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française

  

Comment démontrer l’adultère redouté quand la manigance est elle-même victime de son propre aveuglement ou qu’il n’est plus possible de différencier le bourgeois soi-disant respectable d’un pochard opportuniste ?

Tous pris dans le piège de l’image et la réputation sociales, les personnages de Feydeau se débattent en sauts de puce aussi vains que pitoyables jusqu’à ce que peut-être, ici, le bon sens puisse à lui seul remettre d’équerre les phantasmes en les replaçant dans leur fonction dévolue.

 

LA PUCE A L’OREILLE
© Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française

  

De véritables performances d’acteur contribuent à l’hystérisation de cette épatante démonstration scénographique. Tous sont au diapason de Lilo Baur mettant les comédiens en situation de funambules éclairés par des balises traçant le chemin de l’inquiétude existentielle tout en les autorisant à rebours onirique aux pirouettes les plus improbables.

 

LA PUCE A L’OREILLE
© Theothea.com

  

L’agilité du corps et de l’esprit se fondant en un malicieux maelstrom époustouflant, Serge Bagdassarian, Jérémy Lopez, Jean Chevalier atteignent à de véritables fulgurances cultes alors qu’Anna Cervinka & Pauline Clément persévèrent dans leur quête candide d’absolu dûment temporisée par les contre-feux attisés par Sébastien Pouderoux et Alexandre Pavloff.

Bref, tous sont judicieusement mobilisés sur le pont du tangage sociétal alors que les spectateurs, eux, vont faire triomphe à ce qui se révèle être d’évidence une création artistique pleinement réussie.

 
photos 1 à 4 © Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française
photos 5 & 6 © Theothea.com
  
LA PUCE A L'OREILLE - **** Theothea.com - de Georges Feydeau - mise en scène Lilo Baur - avec Thierry Hancisse, Cécile Brune / Clotilde de Bayser (en alternance), Alexandre Pavloff, Serge Bagdassarian, Bakary Sangaré, Nicolas Lormeau, Jérémy Lopez, Sébastien Pouderoux, Anna Cervinka, Pauline Clément, Jean Chevalier, Élise Lhomeau, Birane Ba / Clément Bresson (en alternance) & les comédiens de l’académie de la Comédie-Française Camille Seitz, Aksel Carrez, Mickaël Pelissier & Nicolas Verdier - Comédie-Française (Salle Richelieu)
  

  

LA PUCE A L’OREILLE
© Theothea.com

  

  


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