« La Récompense » Daniel Russo lauréat faux-fuyant à L’Edouard VII

par Theothea.com
mardi 18 avril 2017

Tout le problème de Martin serait de savoir s’il faut persister à regarder la vie comme la vache au bord de la voie ferrée qui, elle, ne se lassera jamais de contempler les trains y circulant sans fin à la manière d’un spectacle sans cesse renouvelé à l’identique.

 

LA RECOMPENSE
© Emmanuel Murat

 

Oui, mais voilà la vache, elle, n’est point douée de cet esprit critique qui devrait mettre sa mémoire en éveil pour lui signifier le « déjà vu » et par conséquent de passer « Open » à un autre sujet d’étude.

Martin, lui, bien conscient de cet écueil se lance dans une diatribe mémorable au bord de scène pour tenter d’avertir ses contemporains ainsi que ses partenaires de jeu du danger qu’il y aurait à se satisfaire du statu quo menant à prendre la vie « en pleine figure » dans la négligence des leviers de décision et sans jamais réagir.

Résultat de ce moment de grâce rhétorique exécuté par l’incomparable Daniel Russo, la salle du Théâtre Edouard VII est pliée en deux… non parce qu’elle ne reconnaîtrait pas la pertinence du propos tenu mais uniquement parce qu’à ce moment de la pièce de Gérald Sibleyras, les spectateurs commencent à comprendre qui est le bonhomme « Martin ».

 

LA RECOMPENSE
© Emmanuel Murat

 

En effet, éminent historien, spécialisé dans la période du Moyen-Âge, à qui vient d’être décerné le plus important prix célébrant annuellement sa discipline, Martin en est paradoxalement désespéré car il s’est fortuitement aperçu que tous les lauréats précédents avaient perdu la vie à la suite de l’obtention de cette récompense.

Terrassé par ce dilemme, Martin perçoit l’approche de la remise du prix comme une calamité à laquelle s’ajoute une instabilité conjugale contextuelle partagée par l’ensemble de ses proches engagés dans un jeu de chaises musicales, affectives et libidinales … au nom de la liberté sacrée enfin recouvrée.

En fustigeant ainsi habilement ses contemporains, l’auteur leur prête des crédulités opportunes infinies qui, ici en l’occurrence, vont se cristalliser sur l’usage symbolique du pendule là où d’autres auraient pu choisir, dans le même esprit, celui de l’horoscope… pour parvenir à la même consternation.

Les gens, mais qui sont donc les gens s’inquiète Martin, sembleraient laisser leurs existences happées par des considérations plus irrationnelles les unes que les autres… et forcément, avec un peu de distanciation, cela pourrait paraître dérisoire et par conséquent très « drôle » pour ceux qui, en spectateurs, assistent ainsi à la représentation objectivée de ce modus vivendi consensuellement partagé.

 

LA RECOMPENSE
© Emmanuel Murat

 

Fabienne (Alysson Paradis) la compagne de Martin, Lucas (Lionel Abelanski) son frère ainsi que Véronique (Anne Jacquemin) l’épouse de ce dernier joueront, tour à tour, la mouche du coche de manière à pousser, de facto, l’historien chercheur dans ses retranchements contradictoires jusqu’au constat de l’impasse subjective.

Restera désormais pour Martin à prononcer, le grand jour venu, son discours de réception honorifique et il a bien l’intention de faire durer le plaisir puisqu’il serait censé concomitamment d’y signer sa condamnation à mort virtuelle !

« Ravaillac » sera convié au sein d’une magistrale et délirante démonstration, par l’absurde, de la force majeure que représente, pour la condition humaine, celle de l’espoir qui, jusque dans son infimité extrême, reste le seul rempart indéfectible à celui de la survie… même dans les pires configurations.

Armé de ce viatique, Martin pourrait encore, en phase ultime, être touché par le mystère mystique de Marie (Alice Dessuant) mais il s’agit déjà d’une autre « récompense » par laquelle Bernard Murat signe délibérément sa joyeuse mise en scène en trompe l’œil de la destinée.

 

photos © Emmanuel Murat

 

LA RECOMPENSE - ***. Theothea.com - de Gérald Sibleyras - mise en scène Bernard Murat - avec DANIEL RUSSO, LIONEL ABELANSKI, ANNE JACQUEMIN, ALYSSON PARADIS & ALICE DESSUANT - Théâtre Edouard VII

 

 

LA RECOMPENSE
© Emmanuel Murat

 


Lire l'article complet, et les commentaires