« Le Bémol » Légitimus versus Abelanski pour le Prix ou non d’une fausse Note
par Theothea.com
vendredi 13 juin 2025
Avec à la clef de son exaspération spontanée un « Si bémol » planté de façon incongru par Philippe (Lionel Abelanski) son premier violon en fin de concert, Antoine (Pascal Légitimus) le chef d’orchestre philharmonique laisse éclater sans retenue, dans l’intimité retrouvée a posteriori auprès de Jeanne son épouse, son extrême mécontentement s’exprimant à la limite d’une crise de paranoïa... sans doute compréhensible en raison de cette provocation intempestive inattendue.
En effet, comment l’ami fidèle entre tous, aura-t-il pu oser délibérément gâcher cet instant d’apothéose virtuose ?... alors même que l’organisation de cette audition devait permettre de valider la direction magistrale d’une formation classique en attribuant à son chef Lauréat la plus haute distinction de la musique classique à savoir Le Prix Nilsson.
Positionnés à un étage de différence dans le même immeuble résidentiel, deux couples vont ainsi se retrouver au sein d’une dramaturgie psychologique qu’ils vont partager sous le regard arbitral, certes bienveillant mais néanmoins goguenard, d’un livreur (Solay) de plats préparés ainsi que d’un luthier (Bertrand Mounier) tous les deux familiers des lieux.
L’enjeu sera celui de l’Amitié trahie au nom de causes subjectives contradictoires sans que celles-ci ne puissent être explicitement déterminantes par elles-mêmes.
A l’exception des talents artistiques respectifs qui ne seront jamais incriminés, ce sont surtout le statut social & relationnel, l’appât non négligeable du gain financier, les influences subies au prorata des modes successives imposées par les hautes technologies et les réseaux sociaux, les interactions différenciées par les choix de vie personnelle, la liberté d’expression ainsi que la propension à penser à contre-courant qui, entre autres, assureront le rôle de juge de paix ou, plutôt en l’occurrence, celui de fomentateur de troubles affectifs mal assumés.
Bien entendu les deux partenaires féminines auront leur part prévalente dans le comportement des deux amis en conflit, que ceux-ci le souhaitent ou non, au sein de carrières menées conjointement dans un entremêlement à la fois professionnel et artistique.
Si l’une Jeanne (Anne Parillaud) semble préférer le lâcher-prise épicurien et décalé au conformisme politiquement correct ambiant tout en faisant la part belle au plaisir de l’enivrement mondain récurrent, l'autre la coach Zoé (Anne-Sophie Girard) se veut battante et pragmatique en ayant recours à tout ce qui relève des techniques plus ou moins conjuratrices du développement personnel à la limite de la caricature démonstrative, notamment en privilégiant la chorégraphie.
De ce maelström bourgeois-bohème appliqué à cette soudaine susceptibilité se révélant au grand jour au sein d’une amitié au long cours, l’auteur Cyril Massarotto dont c’est l’écriture de la première pièce de Théâtre, focalise l’attention du spectateur sur le ressenti exacerbé pouvant éclore entre une notoriété établie et une seconde en train de se construire tout en restant l’obligée de la première... jusqu’au désir de celle-ci d’éclore à part entière et surtout à parité.
Comment l’une et l’autre en évolution peuvent-elles se respecter intrinsèquement alors même qu’elles sont en compétition sur le fil tenu du pouvoir qu’elles exercent l’une sur l’autre ?
Passionnant sujet de réflexion que néanmoins la mise en scène d’Anne Bouvier souhaite tirer délibérément du côté « rire Boulevard » dont l’humour même quand il s’inspire de la mécanique de Feydeau n’est pas nécessairement celui qui correspondrait le mieux aux subtilités d’un « Bémol » dont le potentiel pourrait être davantage celui des nuances paradoxales.
photo 1 © Vehel
photos 2 à 5 © Theothea.com
LE BEMOL - ***. Theothea.com - de Cyril Massarotto - mise en scène Anne Bouvier - avec Pascal Légitimus, Lionel Abelanski, Anne Parillaud, Anne-Sophie Girard, Solay & Bertrand Mounier - Théâtre des Variétés