Le Caïman, d’Antoine Rault, au Théâtre Montparnasse

par Theothea.com
samedi 31 décembre 2005

Face à une soeur bigote (Hélène Surgère), un psychiatre conventionnel (Féodor Atkine), un curé fantasque (Nicolas Raccah), le Caïman va être confronté à ses démons durant une nuit entière où l’épouse tentera de recadrer leur relation dans une perspective amoureuse et intellectuelle.

En effet, tiraillé entre un fervent catholicisme de jeunesse et une conceptualisation professionnelle du marxisme, le professeur de l’Ecole normale sentira vaciller ses convictions, au point de renier l’ensemble de son oeuvre philosophique inspirée sous l’emprise du militantisme de sa femme.

C’est d’ailleurs du point de vue féminin que s’avance la pièce d’Antoine Rault montrant que, dès leur première rencontre, l’amour exclusif de la dame pour le maître à penser fut à l’origine d’une union qu’elle imposa aux deux partenaires.

Difficile de savoir, en ces heures de dénouement fatal, si la psychose maniaco-dépressive va délier les langues au point de faire éclater le malentendu initial de leur vécu partagé, ou si au contraire la maladie mentale cache irrémédiablement à l’un des protagonistes ce que l’autre membre du couple perçoit encore de leur passion commune et créatrice de jadis.

Alors que Claude Rich semble jubiler, en planant sur un vaste nuage flou d’où il se complaît à induire la confusion, le doute et le paradoxe, pendant ce temps Christiane Cohendy travaille la substance conjugale en se coltinant avec la réalité brute.

Ainsi, en temps réel, leurs proches vont assister à la destruction inéluctable du couple qu’enfonce toujours davantage, dans les profondeurs obscures, chacune des bouées du pragmatisme lancées en vain sauvetage.

Les soubresauts de violence entrecoupés de plages de béatitude ne sauraient tromper les cycles de plus en plus rapprochés du lent processus de dégénérescence psychique.

A l’aube, tous les garde-fous auront cédé, les uns après les autres ; ainsi, c’est dans une fiévreuse danse au corps à corps qu’Hélène donnera l’ultime gage de complicité, en donnant le signal du passage à l’acte, : " Tu en as le courage !... " avant de tomber à terre définitivement étranglée.

De Marie-Trintignant à Louis Althusser, seuls les masques de la notoriété pourraient faire croire au simulacre accidentel, car les enjeux d’un couple en rupture n’appartiennent de facto qu’à lui-même, fût-ce à son insu !

Bien entendu, l’auteur n’apporte aucune clé, mais Claude Rich, au risque de choquer, ose déclarer son émotion face à l’atroce beauté, à la pureté absolue de cet amour.

Ainsi le vertigineux décor en noir et blanc de Jean Hass détermine, sous les effets d’une intense luminosité signée de Jean Kalman, l’évidence des affects dont la symbolique pourra être mesurée à l’aune de l’empathie fictionnelle avec la nuit du fameux crime de la rue d’Ulm en 1980.

LE CAÏMAN *** de Antoine Rault - mise en scène : Hans Peter Cloos - avec Claude Rich, Christiane Cohendy, Feodor Atkine, Hélène Surgère, Nicolas Raccah - Théâtre Montparnasse -


Lire l'article complet, et les commentaires