Le Chant de la terre

par Jérôme Lester
mardi 14 avril 2009

Alela Diane est actuellement en tournée mondiale. Saisissons l’occasion pour dire quelques mots de son nouvel opus To Be Still, de sa grâce éclatante et de sa beauté mystérieuse.

C’est désormais un cliché critique de le dire : le deuxième album correspond au temps de la confirmation. Evidemment, c’est encore plus vrai dans le contexte actuel de la crise du disque. L’artiste doit réitérer sont premier coup d’essai, achever de convaincre les uns et continuer à séduire les autres. Si le coup est manqué, le deuxième disque peut rapidement se révéler le second. Les chances de rattrapage sont faibles. Les enjeux se font ressentir de la manière la plus pressante au moment où une carrière semble pouvoir s’annoncer.

Alela Diane devait donc montrer que son univers musical ne tenait pas tout entier dans les limites de The Pirate’s Gospel, son disque précédent et, qu’au contraire, son écriture s’inscrivait dans un véritable mouvement. Elle y réussit brillamment avec sa nouvelle collection de chansons ironiquement intitulée To Be Still.

Il faut dire que la scène folk américaine est en pleine ébullition. Les chanteuses à guitare se multiplient, mais rares sont les bonnes surprises. Avoir écouté religieusement depuis son enfance Joan Baez ou Cat Stevens est loin de garantir une quelconque qualité d’écriture. Encore fait-il éviter les redites du passé et le travail d’écolier appliqué.

Or, avouons le, de Nevada City, petite ville de Californie dont Alela Diane est originaire nous a déjà réjouit à maintes reprises. Ses artistes à la fois doués et modestes semblent redonner une seconde jeunesse à une musique pourtant déjà vieille. C’est le cas de Mariée Sioux, que l’ont retrouve d’ailleurs sur To Be Still, toujours impeccable dans ses interprétations.

En quelque mois, Alela Diane, quant à elle, pourrait bien devenir la figure de proue de ce revival folk américain. Ce disque le laisse à penser. Son sens mélodique et son chant léger et mélancolique lui assurent en tout cas un bel avenir.

Plus que ses camarades elle a su digérer ses influences pour ne les faire apparaître qu’en filigrane dans sa musique. Loudon Wainwright et des chants indiens ont pu nourrir son imaginaire et son écriture, mais constamment elle veille à ne pas les imiter pour affirmer son style propre. Et c’est avec une remarquable intelligence qu’elle se tient à distance à la fois de la tradition brute et de ses pesanteurs conservatrices et de la scène néo-folk américaine qui produit déjà ses poncifs et ses clichés éculés.

En réalité, c’est certainement au sein de sa propre famille, qu’il faut chercher les influence principales d’Alela Diane. Son père, Tom Maning, a participé à l’enregistrement de ses deux albums. Il a aussi longtemps été guitariste dans un groupe de reprise du Greatful Dead. Sa mère a été chanteuse amateur, tandis que sa grand-mère a composé des airs de rag time. La musique coule donc dans les veine de la jeune Alela. Il aurait été étonnant que son destin soit autre. Nous n’allons pas nous en plaindre.

Il est clair qu’en écoutant une musique si fortement ancrée dans le temps et dans l’espace, l’auditeur européen s’offre le plaisir d’un petit périple dépaysant. Il aime à se retrouver dans ces contrées pour lui le plus souvent imaginaires et dont les paysages sont constitués de souvenir de littérature et de cinéma. Ces endroits jamais visités lui révèlent alors une étrange familiarité. Mais alors qu’il ne s’y attendait pas, les chansons de To Be Still le déroutent et le désarçonnent pour de bon. Soudain elles lui font réaliser qu’il s’est aventuré bien loin de l’endroit où il croyait être. Elles donnent à voir et à entendre un surprenant ballet des éléments, une étonnante chorégraphie de formes et de matières, le rythme lent d’une nature réenchantée qui, menaçante ou bienveillante, peut tout aussi bien effacer les êtres que les révéler à eux-même. C’est tout cela que chante Alela Diane.

Jérôme Lester

Alela Diane : To Be Still (Fargo)
http://www.myspace.com/alelamusic

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