Le classement universitaire de Shanghai

par Céphale
vendredi 20 août 2010

Le comité de Shanghai a publié son classement des meilleures universités mondiales en 2009. Comme on pouvait s’y attendre, les universités américaines et britanniques gardent leurs premières places. La France compte 23 universités parmi les 500 meilleures du classement, ce qui nous place au cinquième rang des nations.

 Connu sous le nom de Academic Ranking of World University (ARWU), ce classement des principales universités mondiales est établi chaque année par des chercheurs de l’université Jiao-Tong de Shanghai. Cette année, comme les années précédentes, quatre universités américaines : Harvard, Berkeley, Stanford et le MIT, et une britannique : Cambridge, se disputent les cinq premières places. La première université d’une autre nationalité n’arrive qu’au vingtième rang : c’est l’université de Tokyo.
Quels sont les critères de sélection ? Les deux plus importants sont le nombre de chercheurs les plus cités dans les milieux universitaires et le nombre d’articles publiés dans quelques revues américaines de haut niveau. Vient ensuite le nombre d’étudiants. Autant dire que la qualité de l’enseignement ne compte guère.
 
Nous apprenons en même temps que La médaille Fields, considérée comme le prix Nobel des mathématiques, vient d’être décernée à deux Français : Cédric Villani, professeur à l’Ecole normale supérieure de Lyon, et Ngô Bao Châu professeur à l’université d’Orsay. Dans le classement de Shanghai, l’ENS de Lyon occupe le rang 402 et l’université d’Orsay le rang 43.
 
Cette comparaison doit nous amener à poser la question : à quoi servent les universités ? Le sens commun répond : à donner aux étudiants des connaissances assez solides pour leur permettre de jouer plus tard dans la société un rôle utile, correspondant à leurs aptitudes. Cet objectif est bien loin des critères du classement de Shanghai. D’ailleurs il serait bien difficile de trouver des indicateurs numériques pour montrer que le véritable but de l’université est atteint.
 
Et puis pourquoi cette obsession de tout classer dans le monde, des hommes les plus riches aux entreprises les plus performantes ? À quoi ce classement des meilleures universités peut-il servir, si ce n’est de flatter l’amour-propre de quelques milliers de personnes ?
 
Toutes les universités sont différentes par l’importance des matières enseignées. Le système universitaire anglo-saxon, copié dans le monde entier, fait que chaque université offre une gamme très large, les unes privilégiant les matières littéraires et les autres les matières scientifiques. Il est absurde de comparer des universités qui ne portent pas leurs efforts sur les mêmes disciplines, par exemple Columbia à New-York, qui brille par les sciences humaines et Paritech en région parisienne qui brille par l’économie et la technologie. D’autre part, les universités se distinguent par le nombre d’étudiants et le mode d’admission. Il est absurde de comparer des universités dont les populations sont très différentes en quantité et en qualité, par exemple Harvard qui compte plus de 15.000 étudiants admis sur dossier, avec l’ENS de Lyon qui compte moins de 3.000 étudiants sélectionnés par concours.
 
Il serait peut-être plus judicieux de sortir un classement des universités par nombre d’étudiants, un autre par nombre de chercheurs, un autre par nombre de professeurs, un autre par nombre de publications, un autre par nombre de prix Nobel… si cela pouvait servir à quelque chose.
 
Le classement universitaire de Shanghai est éminemment suspect. Il est fait par un jury auto-proclamé, jouit d’une grande publicité dans les médias, et les universités les mieux classées sont toujours les mêmes. Le but ne serait-il pas simplement de vendre Harvard comme une vulgaire marque automobile ?
 
Certains ont proposé de publier un classement universitaire européen pour lutter contre l’influence du classement de Shanghai. Mais le problème resterait le même ; il n’existe pas d’indicateurs numériques montrant qu’une université sait atteindre ce qui devrait être pour elle un objectif essentiel : donner à ses étudiants un bagage intellectuel qui leur ouvre les portes de la vie active.

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