« Le cul sur la commode » (chansons joyeuses des années 30)
par Taverne
vendredi 9 août 2013
Les chansons des années 1930 reposent essentiellement sur trois recettes : l'humour, le drame et le charme dans la tradition amoureuse. Ce premier volet est dédié aux formes d'humour et d'expression de la joie de vivre dans la chanson de cette époque, source de nombreux grands succès, dont plusieurs succès internationaux. "Le cul sur la commode" est ausssi l'illustration de la liberté de la femme : son interprète, Jeanne Aubert, refuse de se plier à l'autorité de son mari américain, tout riche qu'il est, et poursuit ses récitals licencieux. La chanson est à l'origine de l'expression "mon cul sur la commode".
Ainsi Jeanne Aubert (1900 - 1988) défraya-t-elle la chronique pour ses démêlés conjugaux. Sa chanson « Le cul sur la commode » (à savourer ici) date de 1937. Elle est extraite d'une revue de Rip et Willemetz et elle a donné naisance à une expression populaire, comme l'explique ici un article du Figaro. La chanson est une "satire de cet engouement nouveau pour les bains de mer et les séjours à la montagne..." : "Pour éviter les frais / Tout en suivant la mode / Chez moi je prends le frais / Le cul sur la commode ", dit-elle.
Le quotidien poursuit ; vers les années 1960, l'expression subit "une modification formelle avec mon cul, et non plus le cul".
Cette coquine de Jeanne Aubert avait épousé un Américain roi de la conserve. Son mari voulut l’empêcher d’exercer son métier. Elle passa outre son interdiction et il dut lui faire un procès qui régala les lecteurs de chroniques.
Le succès vient tardivement à Yvette Guilbert, en 1891, après son engagement au Moulin Rouge. Sa physionomie nous est connue pour avoir été un modèle du peintre Toulouse-Lautrec. Elle eut une correspondance suivie avec le psychanalyste Freud qui affichait dans son bureau une photo dédicacée par elle.
Georgius est aussi une vedette sûre. Il persiste dans le populisme et le grivois, auteur de « La plus bath des javas » et du « Lycée papillon ». Mais son regard de chroniqueur donne un double sens à ses chansons.
Sérieux aussi, il dénonce l’Anschluss et les accords de Munich. Sa chanson « il travaille du pinceau » se moque ouvertement d'Adolf Hitler, le peintre manqué. Ce qui lui vaudra quelques ennuis. A la Libération, on lui reproche d’avoir continué de chanter sous l’Occupation. Il se retire du métier et se met à écrire des romans.
Mireille (1906 – 1996)
Elle était l'épouse de l'écrivain Emmanuel Berl et, pour la petite histoire, la nièce de Charly King, l'inventeur des claquettes. On l'ignore souvent, mais elle fut avec Jean Nohain l'expression de l'avant-garde avant Charles Trenet. Ses mélodies sont teintées de jazz. Il faut dire qu'elle a côtoyé Cole Porter et Gershwin, entre autres, à Broadway. Son opérette « Fouchtra » coécrite avec Nohain fut d’abord un échec total. Puis, soudain, il fit un carton avec « Couchés dans le foin » interprété par Jacques Pills et Georges Tabet. Mireille rentre alors en France et signe un contrat pour des enregistrements. On peut écouter ici des extraits de "Le vieux château" et du "jardinier qui boîte" qu'elle enregistra pour la radio américaine.
1932 - Mireille et le jeune Jean Sablon Les pieds dans l'eau, 1935 - Mireille et Jean Sablon "Puisque vous partez en voyage" (repris récemment par Dutronc et Hardy), "Les pieds dans l'eau", "Les trois gendarmes"...
Ses origines juives ainsi que celles de son mari la contraignent à fuir Paris occupé. En 1940, elle s'installe en Corrèze où elle serra à la tête du Comité de Libération. Après la Seconde Guerre mondiale, son ami Sacha Guitry lui suggère d'ouvrir une école. Ce sera le Petit Conservatoire de la chanson, d'abord à la radio (à partir de 1955), puis à la télévision (de 1960 à 1974). Le Petit Conservatoire de Mireille contribuera à former la voix d'une génération de chanteurs, comme Alice Dona, Hervé Cristiani, Yves Duteil, Françoise Hardy, Frida Boccara, Colette Magny, Robert Donat ou encore Alain Souchon.
Jean Nohain (1900 - 1981) est le fils du poète Franc-Nohain, et frère du comédien Claude Dauphin. Il fut un animateur très populaire de télé.
Le succès du duo Pills et Tabet (duo formé sur une boutade de Léon-Paul Fargue qui les écoutait reprendre à tour de rôle les rengaines de Mistinguett aux concerts de celle-ci), entraîne la formation d’autres duos : Charles et Johnny, Gilles et Julien. Ces deux duos se sépareront après quelques années mais Gilles reviendra au premier plan sous son vrai nom, Jean Villard, composer des chansons pour Piaf comme « Les Trois cloches ».
Maurice Chevalier a obtenu son prestige international avec les films de Ernst Lubitsch « Parade d’amour » et « La veuve joyeuse », aux côtés de Jeanette Mac Donald. Il rentre au pays en 1955 et concurrence Jean Sablon.
Charles Trenet bénéficie de « Ya d’la joie » créé par Chevalier et en profite pour se séparer de son partenaire Johnny Hess. Il est aussitôt acclamé par le public grâce à ses chansons comme : « Je chante », « Fleur bleue », « Boum », « Y’a d’l’a joie », « La polka du roi », « Vous oubliez votre cheval ». Ses refrains seront associés à la France du Front populaire et aux congés payés. Ses chansons sont si légère que personne ne remarque que « je chante » s’achève par un suicide.
Gaston Ouvrard perpétue la tradition du comique troupier, métier qu'il a hérité de son père. Il enregistre en 1934 la fameuse scie "Je n'suis pas bien portant"
Voici le Front populaire ! Montéhus encourage Léon Blum par son "Vas-y Léon", ("défends ton ministère !") », n’empêchant pas la chute du gouvernement Blum. En tous cas, Albert Prejean peut chanter en 1934 "La crise est finie".
Humour encore avec :
1931 - Esther Lekain Un vieux farceur
1930 - Georges Milton C'est pour mon papa
1934 - Alibert Sur le plancher des vaches
1933 - Charpini et Brancato J'aime bien mes dindons
Fernandel et ses prénoms marrants : Ignace1936, Barnabé 1937 (reprise ici par Les Charlots)
Fred Adison : Quand un gendarme rit
Joie de vivre toujours avec :
Darcelys Une partie de pétanque 1936, 1935 - Darcelys et Marguerite Willy Un petit cabanon
Quand on s'promène au bord de l'eau Gabin 1936
1935 - Fred Adison Petit train départemental
1931 - Henri Garat Avoir un bon copain
Mais nous sommes au bord de la guerre. Le drame pointe à l'horizon. Ray Ventura et ses collégiens veulent tout simplement l’ignorer « Tout va très bien madame la marquise », « ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine ». Encore plus fort en 1939 : "Nous irons pendre notre linge sur la ligne Maginot" ! Excès de confiance certainement. Maurice Chevalier se contente d'un patriotisme bon enfant : "ça fait d'excellents Français".