Le Dernier Roi d’Ecosse : magistral !
par Vilain petit canard
jeudi 15 mars 2007
Les années noires de l’Ouganda, sous la main de fer d’Idi Amin Dada, vue par un témoin fictif, avec un héros pas du tout positif. Une subtile analyse du rapport au pouvoir.
Un jeune médecin écossais, Nicholas Garrigan, joué par James Mc Avoy, décide de partir en Afrique pour échapper à un avenir qu’il juge trop terne (s’associer avec son père dans son trou perdu au fond de l’Ecosse). Arrivé dans un dispensaire en Ouganda, par un concours de circonstances, il devient le médecin personnel et le confident d’Idi Amin Dada, le nouveau chef de l’Etat ougandais, incarné par un Forest Whitaker en état de possession.
Et là, surprise : le jeune héros s’avère être fasciné par le dictateur, il s’insère dans sa vie, tout heureux d’être si proche d’un homme de pouvoir. Le malaise provoqué par le film est dans cette distance qui s’installe entre ce que nous, spectateurs, voyons sur l"écran (Amin est fou et dangereux), et la complaisance de Nicholas devant son maître. On a envie de l’alerter, de le mettre en garde, mais rien n’y fait : détendu, suffisant, il se laisse griser par la proximité du pouvoir, fort de son impunité, jusqu’à ce qu’il réalise dans la douleur son insiginifiance.
Le fim s’achève pendant l’affaire du
détournement de l’avion Air France sur Entebbé, où Amin Dada s’était
offert comme médiateur, qui s’acheva par un raid éclair des Israéliens
pour récupérer leurs ressortissants tenus en otage. Un film oubliable a
d’ailleurs été tiré à l’époque de cette action militaire spectaculaire
: Raid sur Entebbé (1979), avec Charles Bronson dans sa période "casseur de méchants bronzés", et où Yaphet Kotto tenait le rôle d’Amin.
Pour l’histoire post-coloniale du Royaume-Uni, Amin Dada tient à peu près la place qu’a tenu pour nous autres Français le simultané et folklorique Empereur de Centrafrique Jean-Bedel Bokassa. Un sous-officier (Amin était en fait cuisinier), placé au pouvoir puis destitué après une période de folie meurtrière. Il est frappant de constater les parallèles entre les deux tyrans : fastes et extravagances, brutales répressions et mégalomanie, bruyantes amitiés avec le lybien Khadafi, accusations de cannibalisme (vraisemblablement montées par les révolutionnaires et ceux qui les inspiraient), et fuite éperdue de par le monde après leur chute.
Y a-t-il une morale au Dernier Roi d’Ecosse ? Le film n’en propose aucune, on assiste juste à la chute de Nicholas, perdu par son inconscience et sa fatuité, sans parti pris ni indication du réalisateur (cette fin est extrêmement violente, c’est à faire savoir). On aurait pu intituler ce film Grandeur et décadence d’un courtisan, si ce terme de courtisan n’était pas si anodin, face à la brutalité sanguinaire de la situation.
A remarquer : un très jolie prestation de Gillian Anderson, discrète et cependant très présente.