« Le donneur de bain » plus clean que la critique dramatique ?

par Theothea.com
lundi 14 juin 2010

Plus d’un mois après sa création, « Le donneur de bain » remplit, fort bien, la jauge du Théâtre Marigny, et ce, malgré un tollé critique assez paradoxal.

Si celle-ci s’accorde à reconnaître l’originalité du sujet, la haute qualité de la distribution, l’expérience du metteur en scène, la magnificence du décor, tout se passe comme si le point de vue rocambolesque, fantastique et extravagant prenait de cours les repères de l’opinion dramatique.

C’est tout au crédit de Pierre Lescure, le directeur du Théâtre Marigny, d’oser la diversité, en défrichant les sentiers non battus par la pléthore des spectacles contemporains et de mettre, ainsi, la notoriété de grands comédiens à l’épreuve de l’adversité et des « pollutions potentielles ».

En effet, si l’hygiène fait consensus dans nos sociétés policées, a contrario en fin de XIXème siècle, à une époque où la salle de bains n’avait pas encore trouvé sa raison d’être dans les appartements bourgeois, la classe aisée se différenciait du peuple, peu habitué à se laver, en ayant recours au service d’un « donneur de bains » .

Ce petit métier, complètement oublié de nos contemporains, pourrait s’apparenter à celui d’un visiteur privilégié ayant à la fois la charge du corps et de l’âme de son client, tant l’intimité y était similaire à celle qu’il est envisageable d’entretenir, de nos jours, avec un confesseur ou un psychanalyste.

En pratique, le donneur de bain venait à domicile, avec sa baignoire portative, muni des onguents afférents aux odeurs destinées à disparaître ainsi qu’aux parfums appelés à les supplanter.

Céleste (Barbara Schulz), demi-mondaine, fait profession de vendre ses charmes dans l’immeuble résidentiel qu’elle habite, en compagnie de Misty sa sœur (Marie Denarnaud), devenue, contre son gré, sa servante, avec aux étages, le voisinage d’un ministre de la justice véreux (Alain Pralon), d’un comédien désargenté (Dimitri Rataud), d’un aristocrate anglais dévoyé (Geoffrey Carey) et d’un savant fou (Bruno Wolkowitch), tous prêts à profiter au mieux d’une situation licencieuse.

Mais comment, donc, se débarrasser de la crasse comportementale et la différencier de l’Amour ou tout au moins de la sincérité des sentiments, alors que la Dame découvre qu’elle est enceinte et qu’il va lui falloir passer par les fourches caudines du rejet social ?

Le propos délibérément mélodramatique et le décalage distancié que cela implique dans l’écriture et la scénographie, sont à apprécier au diapason déjanté de l’allégorie morale.

De toutes évidences, au vu de la condescendance de certains commentaires critiques, le spectateur lambda s’avère plus disponible pour jouer le jeu de la parabole, en s’affranchissant des limites de la vraisemblance que ne le sont les gardiens du temple dramaturgique, se recopiant mutuellement dans leur refus d’applaudir à la performance.

Et pourtant, il tourne bien le manège désenchanté des amours infidèles en quête de reconnaissance par l’autre sexe, d’un peu de bonheur à extraire de la gangue des mauvais sentiments.

Le décor rotatif de Dick Bird fonctionne comme un colosse flamboyant mais désuet, faisant ses gammes libidineuses au rythme de l’orgue de barbarie, tourné par Charles Berling, le « donneur » faussement candide.

Barbara Shulz et Marie Denarnaud jouent leurs partitions lubriques, à l’instar de sœurs jumelles que rien n’opposerait si ce n’était leur conflit latent de séduction.

Alain Pralon et l’ensemble des autres partenaires excellent à forcer le trait de l’indignation exubérante au profit d’un spectacle à ne pas prendre au pied du verbe mais à préserver, selon l’élémentaire principe de précaution, de la nuisance de ses détracteurs.

photo © Pascal Victor / ArtComArt

LE DONNEUR DE BAIN - *** Theothea.com - de Dorine Hollier - mise en scène : Dan Jemmett - avec Charles Berling, Barbara Schulz, Bruno Wolkowitch, Alain Pralon, Dimitri Rataud, Marie Denarnaud & Geoffrey Carey - Théâtre Marigny


Lire l'article complet, et les commentaires