Le Misanthrope de retour à La Comédie-Française

par Theothea.com
lundi 2 juillet 2007

En cette fin juin 2007, soit près d’un mois après les générales à la Comédie- Française confiée désormais aux bons soins de Muriel Mayette, Le Misanthrope de Molière, revisité par Lukas Hemleb, n’apparaissait pas, à la première lecture des articles de presse, en parfum de sainteté parmi les représentants de la critique dramatique parisienne.

Et pourtant à y regarder de plus près, les condamnations pour crime de lèse- majesté envers cette pièce de référence majeure ne forment guère un bataillon en défensive pour l’orthodoxie de l’oeuvre.

En effet, depuis le vendredi 4 juin 1666 où sa première représentation fut donnée au Palais-Royal par la troupe du roi, les points de vue subjectifs sur Alceste se sont succédé en suscitant d’emblée "des polémiques sur ce personnage seul, libre et révolté face à la société superflue qui l’entoure" (Pierre Note).

En conséquence, à partir de cette création initiale et malgré les tenants des écoles qui depuis se disputèrent les prérogatives psychologiques ou sociétales autour de ce jeu de rôle sans concession, le soufre perdure dans la perception atrabilaire voire quasi caricaturale d’un être en errance de lui-même au beau milieu de ses congénères.

C’est sans doute pourquoi, souhaitant infléchir ces idées reçues, Lukas Hemleb s’est astreint à complexifier les relations des protagonistes en les rendant interdépendantes au sein d’influences multipolaires réagissant entre elles comme en temps réel.

Dégrafant ainsi les étiquettes réductrices des protagonistes, la prétention d’Oronte (Hervé Pierre), la pruderie d’Arsinoë (Clotilde de Bayser), la vanité des petits marquis Acaste (Clément Hervieu-Léger) et Clitandre (Loïc Corbery), le pessimisme d’Alceste, (Thierry Ancise), la coquette duplicité de Célimène (Marie-Sophie Ferdane) etc., le metteur en scène introduisait ainsi délibérément la notion de relativité inhérente à la vie réelle et mettait par la même occasion en péril une lecture trop cartésienne de cette tragicomédie.

Paradoxalement, alors que les critiques s’élevaient donc comme "un seul homme" au vu de cette approche laxiste à l’égard d’une réalisation jugée par trop hystérisée, il s’avèrait néanmoins que tous s’employèrent à interroger ce parti pris relativiste pour finalement, entre les lignes, se résoudre à lui accorder discrètement le sceau de pertinence au bénéfice d’une modélisation non stéréotypée.

Les réticences des commentateurs, si elles devaient subsister, se confirmaient au niveau du traitement scénique (lumières de Xavier Baron / scénographie de Jane Joyet / son de Vanessa Court), car pour évoluer d’une vision opaque à une intuition comportementale plus translucide, la réalisation a fait le pari d’une agitation fébrile s’affichant, si non en pléonasme du texte, tout au moins en conflit avec sa quête d’absolu.

Présentement en alternance jusqu’au 20 juillet, cette réalisation sera reprise du 15 février à fin avril 2008.

Gageons que d’ici-là, l’acceptation de cette mise en perspective progressera jusqu’à faire des adeptes inconditionnels de cette version de Lukas Hemleb, s’avérant davantage altruiste que foncièrement misanthrope.

Photo © Jean-Paul Lozouet avec Thierry Hancisse, Clement Hervieu Leger, Marie Sophie Ferdanne

LE MISANTHROPE - ** Theothea.com - de Molière - mise en scène : Lukas Hemleb - avec Thierry Hancisse, Michel Robin, Eric Genovèse, Clotilde de Bayser, Elsa Lepoivre, Christian Gonon, Marie-Sophie Ferdane.... - Comédie-Française -



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