“Le piano de ma mère” de Yann Queffelec, édité de force

par liochem
lundi 24 mai 2010

Tout d’abord, je souhaite remercier Salvazalvi de m’avoir gentiment envoyé le lien vers cet article de Libération.fr relatant une grande première dans le monde de l’Édition en France : la publication d’un manuscrit sans l’accord de l’auteur.

Prenons d’abord quelques instants pour relater les faits de cette histoire qui soulève beaucoup de questions et nécessite de s’y intéresser de près. Yann Queffelec, auteur primé du Goncourt en 1985 pour “Les Noces Barbares”, signe un contrat chez les Éditions Archipel pour écrire un roman autobiographique parlant de sa mère. Poignant, douloureux, difficile à écrire, Queffelec s’égare dans d’autres projets d’écriture afin de retrouver plus tard la motivation nécessaire pour finir un premier manuscrit de son “Piano de ma mère”, qui s’inscrit comme le premier volume d’une trilogie.

Ayant reçu une avance de 20 000 euros de la part de son éditeur, et le processus d’impression lancé, l’Archipel demande à l’auteur de livrer un manuscrit définitif, lequel préfère continuer à travailler sur son roman en prévoyant de grosses corrections. Mais voila, trouvant le temps un peu long, la fête des mères approchant, et sentant que la période serait propice à ce genre de livre, Jean Daniel Belfond, patron de l’Archipel, prend la décision de publier le roman en l’état, sans que Queffelec n’ait livré ses dernières corrections.

Ceci est une première dans le monde de l’Édition Française, et soulève à mon sens toute une série de questions. Si ,d’emblée je serais tenté de dire qu’il est scandaleux pour une maison d’édition de mettre en rayon un livre dont l’auteur n’est pas complètement satisfait, je m’interroge sur le type de contrat qui existe entre les deux parties, car effectivement, l’Archipel ayant déjà repoussé trois fois la date prévue de parution pour laisser le temps à Queffelec de finir, on peut se demander si l’auteur n’est pas un peu responsable de ce qui lui arrive. Il existe un planning de parution compliqué dans le monde littéraire, on sait que sortir un livre à la bonne période peut faire toute la différence, et du point de vue de l’éditeur, la littérature est bien évidemment un commerce.
Mais ce commerce justifie-t-il d’imprimer des épreuves non définitives ? A qui appartient le livre, le texte ? Est-il à l’auteur qui le fournit, ou à l’éditeur qui l’achète ?

Faisons un rapide parallèle avec le cinéma. Le producteur est le vrai possesseur du film. Scénaristes, acteurs et même réalisateur ne sont que des techniciens qui mènent à sa fabrication. D’ailleurs il n’est pas impossible de voir plusieurs réalisateurs se succéder à la direction d’un même film lorsque le producteur n’est pas satisfait de ce que son premier “employé” à fait.

Doit-on considérer que l’édition évolue dans une direction similaire ? A priori je dirais que non car nous ne sommes pas dans un processus de commande. L’Archipel n’a sans doute pas demandé à Queffelec de lui fournir pour 20 000 euros un roman autobiographique sur sa mère à paraitre à une date donnée, l’auteur à vraisemblablement choisi son sujet et l’a soumis à son éditeur.
Mais finalement, une fois le contrat établi, qui devient le propriétaire de l’œuvre ? Qui peut se permettre d’y apposer la dernière virgule, celui qui écrit, ou celui qui a payé et passé sa commande ? Qu’en pensez vous ?

 

Par Urtic@ire


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