« Le sommeil de la raison engendre des monstres » (Goya)

par Taverne
lundi 17 septembre 2012

Le dernier grand peintre du style rococo fut ausi le témoin de la folie de son siècle. Il eut à faire face à l'Inquisition et aux horreurs de la guerre commises dans son pays par les troupes napoléoniennes. Né à Fuendetodos, près de Saragosse, il était peintre et graveur. Ses premiers tableaux s'inspirent en partie de Tiepolo et de Raphaël Mengs, lequel en fit l'un de ses protégés à Madrid. Ses oeuvres de maturité influenceront Manet. A propos de monstres, le fameux "Colosse" fut un moment attribué à Francisco de Goya. Il est actuellement attribué à un apprenti, probablement Asensio Juliá.
 

" Goya,- cauchemar plein de choses inconnues,
De fœtus qu'on fait cuire au milieu des sabbats,


De vieilles au miroir et d'enfants toutes nues
Pour tenter les Démons ajustant bien leurs bas
 ;"

C'est ainsi que Charles Baudelaire "dépeint" l'oeuvre de Francisco de Goya dans "Les Phares / Les Fleurs du Mal". On pourrait reprocher à Goya de n'avoir pas su choisir son camp dans cette guerre. Peintre officiel au service des Bourbon d'Espagne, puis de Carlos IV (Charles IV) et de son épouse Marie-Louise, il peignit le portrait de Joseph Bonaparte quand ce dernier fur propulsé à la tête de l'Espagne par son puissant frère. Traître à sa patrie ? Les choses ne sont pas aussi simples qu'elle n'y paraissent. En réalité, Goya partagea les idées des révolutionnaires français et aspirait à voir ces idées chasser de son pays les démons de l'Inquisition et le pouvoir réactionnaire.

Il opéra un virage très net quand survinrent les exactions françaises. Il réalisa alors les fameuses toiles "Dos de Mayo" et "Tres de Mayo" (1814) dénonçant sans ambiguité la brutalité de l'occupant français. De même, il fit le portrait de Wellington, triomphant en libérateur de son pays. Et, s'il dut se réfugier en France à Bordeaux pour finir sa vie, ce ne fut que pour fuir le zèle dangereux de l'Inquisition espagnole. Un autre Espagnol, le compositeur guitariste Fernando Sor avait, quant à lui, déjà gagné la France dès 1813 lors de la défaite de Joseph Bonaparte. Il avait, en effet, choisi son camp : celui des Bonaparte et de la Révolution française. Le choix de la musique de Fernando Sor s'est imposé comme une évidence pour accompagner les oeuvres de Goya sur cette petite vidéo.

Miloš Forman consacra un film à Francisco de Goya : "Les Fantômes de Goya" (2007), diffusé sur Arte la semaine dernière. Or, ce réalisateur, qui a connu la dictature soviétique et tchèque, a pour habitude de choisir des sujets qui sont en résonance avec son propre vécu. Le film est d'une facture honnête sans être un chef-d'oeuvre. Il a comme mérite de bien montrer le rôle de l'Inquisition dans une Espagne peu décidée à sortir de son obscurantisme à la veille du monde moderne. Autre mérite, le générique donne une place très importante à l'oeuvre du peintre que l'on voit défiler dans toute sa noirceur. Mais on est très loin du génie d'Amadeus. Une historiette honnête sert de prétexte au scénario tout public, co-écrit par Jean-Claude Carrière qui collabora longtemps avec Bunuel. Le film rend néanmoins compte avec justesse de l'attitude de Goya face aux évènements : tiraillé entre l'amour de sa patrie et les idées révolutionnaires, indécis, voire lâche, cet homme à la stature imposante (1 mètre 94) ne fut pas un héros. Il se plia très souvent aux obligations de sa fonction de peintre officiel et de son gagne-pain.

Les figures effrayantes des pèlerins ainsi que les sabbats de sorcières ont encore un sens à notre époque où les radicalismes religieux, comme les sectes, ne faiblissent pas. Alors au fait, "Quel tal ! ("comment ça va ?") Oui, je sais, "comme ci comme çà..."


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