Les contes de fées, l’éveil du désir

par jack mandon
jeudi 19 juin 2008

A l’époque virtuelle de l’échange, par clavier interposé, que vient faire celui-là avec ces contes d’un autre âge... les fées ?

A l’heure de l’épuisement énergétique, de la vie chère, des catastrophes naturelles, du bouleversement climatique, des tornades, des tempêtes et autres métamorphoses...

Métamorphose, voilà bien un mot « joli » qui me tient en éveil et me procure un plaisir permanent et protéiforme. Il est pure création, en mouvement perpétuel.

Ainsi notre vieille terre, ô combien malmenée, transpercée, éclatée, laminée, ravaudée, empoisonnée, méprisée se réchauffe tout en se refroidissant vers une destinée dont elle a le secret.

Dans ce décor incertain, et quelquefois inquiétant, il nous est donné d’inventer un monde plus personnel à travers lequel nous accepterons mieux le sort qui nous est imposé.

Existe-t-il un âge pour ça ? Nous avons l’âge pour lequel nous vivons.

A un assureur sur la vie qui venait un jour me proposer ses services, j’ai répondu qu’il se trompait d’adresse car, moi, j’étais éternel.

Il m’a regardé interrogatif et un peu inquiet... « Ah oui je comprends », puis il est reparti avec sa lourde sacoche d’espérances, sombre et déçu.

Il n’est pas d’âge pour la vie de l’esprit, ou de l’âme, selon les croyances.

Il est cependant un âge où on accepte de s’approprier la vie, non pas celle qui nous échappe, mais celle de Jean-jacques et des Rêveries du promeneur solitaire, de Beaudelaire et des Fleurs du mal, de Beethoven et de La Pastorale, de Tabarly et des secrets de l’océan, de Demaison et des sommets qui caressent le ciel, de Reeves et du sens poétique et rationnel du grand espace-temps… de tous les conquérants de notre espace intérieur et de l’espace de Gaïa notre mère terre.

Concilier par exemple, méditation et infinies promenades sur le sol alpin accidenté de roches puissantes agrémentées de faunes et flores où les mots pour le dire n’ont pas été écrits.

La magie du moment où l’on se sent si petit et tellement grand, le roi du monde, d’un monde aérien, aux sommets majestueux accrocheurs de nuages multiformes soyeux et lumineux, encrés, lourds et menaçants.

Le roi d’un monde si petit qu’il s’accommode bien de la présence féerique du petit Prince et s’emplit de son rire éclatant.

Au détour du chemin, une forêt de mélèzes au rideau d’ombre odorant et murmurant nous invite. Si le cœur nous en dit, nous basculons, comme par enchantement de la réalité poétique au conte pour enfant... deux mondes qui cheminent dans la même espérance, l’identique perspective.

Vivre pour donner un sens à sa vie. A tout âge, nous cherchons et devons être capables de trouver un minimum de signification en relation avec le niveau de développement de notre intelligence.

La sagesse s’élabore petit à petit, après des débuts très irrationnels. Nos expériences vécues dans ce monde ne peuvent nous procurer une compréhension intelligente de l’existence qu’à un âge... avancé, voire très avancé.

Le cadre est posé, on se déplace dans le panorama, la nature nous enseigne à multiples niveaux, par sa beauté, ses secrets, sa lumière et ses couleurs, ses parfums et ses odeurs, ses bruits et ses cris, mais aussi par l’effort qu’il nous faut accomplir pour la découvrir et la traverser.

L’histoire, le conte, le culturel naissant est syntone à l’environnement naturel. Pour qu’une histoire accroche notre enfant intérieur, ou l’enfant qui nous accompagne, il faut qu’elle soit divertissante et qu’elle éveille notre curiosité. Pour enrichir notre vie, il faut qu’elle stimule notre imagination, qu’elle soit un facteur de développement de notre intelligence et qu’elle éclaire nos émotions. La subtilité est qu’elle s’accorde à nos angoisses et à nos aspirations, qu’elle nous fasse prendre conscience de nos difficultés, tout en nous suggérant des solutions aux problèmes qui nous assaillent et nous troublent. Comme sous l’effet de la baguette magique, en un seul et même temps, un accord s’installe entre tous les aspects de la personnalité sans atténuer, au contraire en la reconnaissant pleinement, la gravité de notre situation de vie en nous donnant par la même occasion confiance en nous et en notre avenir.

Pour toutes ces raisons, la forêt de mélèzes évoquée plus haut (partie cachée, inconsciente de notre personnalité) peut se transformer en un lieu mystérieux et inquiétant où le loup de notre enfance nous attend l’œil menaçant et les crocs acérés.

Si nous poussons la mise en scène plus loin, imaginons de l’intérieur le retentissement psychologique. Nous venons de transgresser les conseils parentaux, n’empruntant pas le chemin sécurisé, poussés que nous sommes par la curiosité et l’excitation que produit la naissance du désir, l’interdit selon la morale parentale... Le Petit Chaperon rouge de notre enfance ne prétend pas davantage.

Abordés superficiellement, les contes de fées n’apprennent rien sur les conditions de notre vie modernes dans le tumulte croissant des pollutions multiples qui nous assaillent et détruisent notre créativité naturelle.

Cependant, ils ont infiniment d’enseignements à nous apprendre sur les problèmes intérieurs de l’être humain et de leurs solutions.

A force de répétition, pendant des siècles, voire des millénaires, les contes de fées se sont affinés et se sont chargés de significations apparentes et cachées. Ils s’adressent simultanément à tous les niveaux de la personnalité humaine. Leurs messages touchent aussi bien l’esprit vierge de l’enfant que celui plus élaboré de l’adulte.

Ces histoires, qui abordent des problèmes humains universels, s’adressent au moi naissant des enfants et favorisent son développement, tout en le soulageant des pressions préconscientes et inconscientes.

Pour pallier et régler les problèmes existentiels de la croissance, surmonter les déceptions narcissiques, les dilemmes œdipiens, les rivalités fraternelles, les renoncement aux dépendances de l’enfance, pour l’affirmation de la personnalité, la prise de conscience de sa propre valeur et de ses obligations morales... tout ce qui ne va pas de soi et qui vient à manquer dans ce monde paradoxalement intelligent et en manque de repères naturels... le scénario conflictuel voire meurtrier du jeu vidéo transposé dans la classe ou dans la rue dans une violence aussi soudaine qu’incompréhensible.

Le cadre est posé, le livre de la nature, son enseignement généreux et permanent en toute saison, l’effort physique pour en découvrir les merveilles, le conte poétique et méditatif pour accompagner le voyage et permettre l’harmonisation entre culture et nature. Faire du petit homme un homme bien centré, pour l’homme adulte un homme meilleur... les pieds sur la terre et la tête dans les étoiles... par exemple.

 

 

 


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