Les effets thérapeutiques de la Beauté dans l’Art

par Sadou
samedi 10 mai 2014

Je souhaiterais rebondir, un peu tardivement (4 ans après sa parution !) sur l'article L’Art Contemporain et le sens perdu de la Beauté publié sur votre site par Venise en 2010, un article très intéressant qui soulève un débat que je me pose depuis quelques temps.

http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/l-art-contemporain-et-le-sens-74342#commentaires

 

L'article explique que le rôle principal de l'Art Contemporain est avant tout de provoquer une émotion d'indignation. Je suis d'accord sur ce point et c'est certainement la raison pour laquelle j'ai personnellement quelques difficultés face à ces œuvres qui dérangent. En effet, il existe selon moi tellement d'occasions de s'indigner dans la vie que je préfère de beaucoup l'émotion procurée par le beau/la beauté dont justement l'Art Contemporain, comme l'explique l'article, a tendance à se détourner.

Je ne parle pas de cette beauté dont nous assaillent les magazines et les médias, basée sur l'image du corps. Non, je veux parler de la beauté d'une chose, d'un objet, d'un paysage, d'un livre, d'un film, de cette beauté qui vous touche au plus profond de vous-même, celle-là même, personnelle, qui provoque en vous une émotion tellement intense que vous sentez qu'il est en train de se passer quelque chose de très fort entre l'objet qui suscite cette émotion et vous-même. Un instant magique d'émerveillement, proche de ce que nous pouvions peut-être ressentir enfant, proche de cette innocence perdue, une expérience sensorielle intense, mêlant plaisir, émotion, admiration et plénitude.

 

Mais me direz-vous, pourquoi cette quête du beau ? N'est-ce pas là un peu superficiel ? Peut-être tout simplement parce que le monde qui nous entoure ne se lasse pas de nous montrer des drames et des horreurs. Il n'y a qu'à vérifier les programmes télévisés pour constater ce penchant pour les histoires sombres et déprimantes . Rien que les journaux télévisés qui nous bombardent de mauvaises nouvelles : oui, certes, le monde peut être laid et il se passe des choses terribles tous les jours dans notre pays et dans le monde (chômage, crimes, catastrophes naturelles, etc...) mais avons-nous vraiment besoin de tout voir, de tout savoir ? Si l'Art contemporain est tel qu'il est aujourd'hui, c'est justement parce qu'il reflète cette colère, cette misère, cette époque désordonnée que nous vivons et s'entend dénoncer ce malaise et nous faire réagir. Mais quel effet cette abondance de faits négatifs a sur notre vision des choses, sur notre aptitude à gérer notre vie au quotidien ?

Personnellement, j'ai fait le choix de ne plus regarder les journaux télévisés ni les programmes « négatifs ». D'abord pour épargner mes enfants de ces images indigestes et traumatisantes, préserver leur innocence et leur insouciance, les deux biens les plus précieux que nous perdons en grandissant, mais aussi pour m'épargner moi-même de ces horreurs à une période que j'estime déjà suffisamment sombre et difficile au quotidien. Oui certes il est important de savoir qu'il y a pire ailleurs et que nous vivons dans une société privilégiée. Oui, il est nécessaire parfois d'exorciser cette souffrance et cette colère d'où le rôle de l'Art Contemporain, entre autre, mais à trop nous montrer la misère, la violence et le malheur des autres, ne finissons-nous pas par angoisser, nourrir nos peurs et notre colère et ainsi freiner notre élan vital ?

C'est pourquoi, à la colère et l'indignation, que je ressens souvent bien sûr, je préfère de beaucoup me nourrir d'autres types d'émotions : admiration, étonnement, surprise, plaisir, pour apaiser mes blessures et embellir ma vie.

Je me souviens de ma première vraie expérience forte de ce type : nous étions à une exposition au château de Tours en Indre et Loire. Y exposaient des artisans d'art et artistes de l'association Itinéraires. Nous avions découvert cette association au hasard d'une rencontre à l'Art que Quotidien, un salon sur l'artisanat d'art sur Tours auquel participait mon mari. Le Château de Tours est un lieu propice pour mettre en valeur les œuvres des artistes qui y exposent. De belles salles, un espace calme, apaisant, peut-être un peu austère mais un lieu particulier où les œuvres prennent tout leur sens. Nous passions donc de salle en salle admirant les artistes qui y exposaient, je me souviens peu des œuvres que nous avons pu voir au cours de cette visite. Je me souviens simplement de ce moment particulier où nous sommes entrés dans une salle où figuraient une série de très grands tableaux, au format carré, représentant chacun un grand disque lumineux, certains dans les tons fondus de rouge et or, d'autres dans des tons de bleu et or... Je m'approchai lentement, attirée par cette lumière douce qui émanait de ces tableaux, par cette harmonie silencieuse, cette douceur inexplicable. Je découvris que chaque tableau était constitué de plusieurs morceaux d'ardoise de formes géométriques, assemblés avec précision, de manière ordonnée et linéaire. L'austérité et la rigueur de cet ordonnancement contrastaient avec la forme douce du disque peint à base de pigments naturels et d'une poudre mordorée. Le fond sombre, presque noir de l'ardoise, s'opposait au bleu intense, ponctué de lumière irradiante, comme un halo de lumière, une douceur mystique, avec au centre, un petit carré noir... Je ne sais pas ce qui se passa mais je sentis les larmes couler sur mes joues, une émotion profonde et intense, le sentiment d'avoir face à moi tout ce qui symbolisait pour moi la beauté à ce moment-là... et qui résonnait en moi comme une vérité, ma vérité. L'impression d'avoir été touchée au cœur, comme si je venais de trouver ce que j'avais toujours cherché... et qui comblait enfin, le temps d'un instant, ce vide existentiel.

J'ai eu l'occasion quelques années plus tard de rencontrer l'artiste Florence Lespingal ( http://lespingal.over-blog.com/) et de lui parler de cette émotion. J'ai passé quelques matinées avec elle par la suite à apprendre quelques rudiments de peinture de manière informelle mais le déclic que j'espérais ne se produisit pas et je finis par abandonner. Je pense qu'au fond de moi j'espérais réussir à produire moi-même une œuvre, découvrir en moi l'incroyable don de création qui puisse me faire revivre encore et encore ce moment magique. Au final, il ne se passa rien...Cet instant magique est resté gravé dans ma mémoire comme une expérience unique mais à renouveler dès que possible. Je suis donc partie depuis dans une quête de la beauté au travers de visites, d'expositions, de rencontres, de lectures, etc... pour une bouffée d'oxygène dans une société suffocante.

 

Il existe bien entendu encore des artistes qui s'attachent à nous offrir de « belles » œuvres. Mais, selon moi, si l'Art contemporain a tendance à se détourner de la beauté, le monde de l'Artisanat d'Art, lui, n'a de cesse de perpétuer plus que jamais le sens du beau mais aussi du dépassement de soi, de la maîtrise du geste, de la compétence, de l'excellence. Des valeurs qui ne peuvent, il me semble, que nous inspirer et nous redonner de l'élan.

 

A titre d'exemple, allez faire un tour sur le site Atelier d'Art :

http://www.ateliersdart.com

Vous y découvrirez des œuvres de toute beauté, certaines ont un effet magique, divin parfois. Personnellement, je suis fascinée par les œuvres en verre, céramique et en bois. J'espère que vous y trouverez l'occasion de vivre une émotion forte qui vous donnera envie de découvrir d'autres artisans d'art et de délaisser un peu ce que nous proposent les médias et la société de consommation. Je suis convaincue que la répétition des émotions fortes positives peut avoir un effet bénéfique sur nos vies. Dans tous les cas, en ce qui me concerne, ces artisans ouvrent en moi une part de lumière dans ce monde si dur. Que ces personnes le fassent parfois au prix ou à cause d'une grande souffrance est un autre débat...


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