Les souterrains annulaires de la montagne bourbonnaise, mystère archéologique en plein cœur de la France
par Ronny
mardi 18 décembre 2007
Les mots « mystère archéologique » évoquent dans l’imaginaire de la plupart d’entre nous les pyramides d’Egypte, les statues de l’Ile de Pâques ou les forteresses des Andes d’Amérique centrale et du sud. Pourtant, pas très loin de chez nous, à 2h30 de route de Lyon, ou 4 heures de Paris, on trouve des constructions humaines souterraines dont le rôle n’est toujours pas compris. Tour d’horizon de ce mystère archéologique en plein cœur de la France.
Au nord du Massif central, et premier contrefort de cette vieille montagne, la montagne bourbonnaise se situe à l’écart des grandes routes de communication. Culminant autour de 1100 m d’altitude, marquée par un hiver froid et des demi-saisons pluvieuses, la montagne bourbonnaise n’est a priori pas une destination de vacances très fréquentée. Les touristes flâneront dans la partie basse de la montagne, dans le vignoble de la côte roannaise, les curistes iront à l’ouest, à Vichy, et les voyageurs pressés poursuivront leur chemin sur l’autoroute A71 vers le Berry ou vers l’Auvergne sans s’arrêter. Pourtant, le pays mérite l’attention de ceux qui fuient les sentiers battus et s’intéressent à l’inhabituel.
La montagne bourbonnaise abrite en effet des vestiges étonnants appelés souterrains annulaires. La découverte de ces souterrains remonte au XIXe siècle. Les descriptions plus précises proviennent en revanche d’amateurs éclairés du XXe siècle, des médecins, des instituteurs, des hommes d’Eglise.
De quoi s’agit-il ? Il s’agit donc de souterrains, de longueur modeste (entre 20 et 60 mètres), creusés souvent selon un schéma récurrent, ressemblant à la lettre grecque Φ (phi) avec un vestibule d’entrée, se prolongeant plus ou moins dans l’axe par une galerie, coupant en deux endroits une structure en anneau. Il s’agit là d’une description simplifiée, certains souterrains possédant une structure différente, en huit, ou en double anneau. On trouve souvent, en bout de galerie, des conduits verticaux de faible diamètre en communication avec l’extérieur, des alcôves adjacentes ou des niches. On accède à ces souterrains par un dénivelé, une pente, parfois par un semblant de marches. Ils se situent donc à une faible profondeur. La plupart des ces souterrains ont d’ailleurs été découverts par hasard, lors de travaux de construction, ou de labour, et leur intégrité s’en est souvent trouvée affectée.
A l’intérieur de ces souterrains ont parfois été retrouvés des fragments de poterie ou tout au moins de terre cuite qui ont pu être datés par la technique de la thermoluminescence. Cette technique met à profit l’irradiation naturelle qu’ont subie les terres depuis leur cuisson, due aux éléments naturels radioactifs qu’elles contiennent, et qui se traduit lors d’un chauffage par une émission de lumière mesurable, permettant de dater l’âge de la terre cuite. Dans le cas des souterrains de la montagne bourbonnaise, les plus anciennes poteries remonteraient autour de l’an 400, les plus récentes avant l’an 1000, donc dans une période allant de la chute de l’empire romain au milieu du Moyen Age. La montagne bourbonnaise est « riche » de ces souterrains. Sur la seule commune d’Arfeuille, 25 souterrains sont connus, ce qui laisse supposer, vu le nombre et leur proximité, qu’à l’origine ces souterrains n’étaient pas cachés comme ils l’ont été par la suite.
La question-clef, non résolue aujourd’hui, est : « A quoi et à qui pouvaient servir ces souterrains ? » Plusieurs hypothèses ont été proposées. La première est celle d’un rôle de type « garde-manger » géant. Cette hypothèse n’a que peu les faveurs des spécialistes, compte tenu de la forte humidité qui pouvait régner dans certains, du très faible nombre de poteries retrouvées et de l’absence de tout indice matériel de type grains de céréales, ou équivalent.
Une seconde hypothèse fait de ces souterrains un lieu de dépôt d’urnes funéraires. Avec la montée en puissance de l’Eglise catholique, la pratique de la crémation a été interdite puis fortement combattue, jusqu’à récemment. Les urnes ont donc été déplacées et un éventuel rite lié au dépôt des urnes a donc peut-être disparu au profit des enterrements dans les cimetières.
Une troisième hypothèse attribue aussi un rôle rituel à ces souterrains en en faisant des lieux de circulation de l’âme des morts, permettant également la communication des vivants avec ceux-ci. Une tradition d’une autre montagne, la montagne noire, calquant la tradition romaine, voulait que l’on creuse des fosses pour apaiser les divinités de la terre, et permettre la libération des âmes des morts. La présence très fréquente, au fond des souterrains annulaires bourbonnais, de conduits verticaux permettant la communication avec l’extérieur est d’ailleurs assez évocatrice de ce que certains appellent des « trous à âmes ». D’autres structures païennes ou associées au culte chrétien ont la forme de souterrains circulaires, telles des chapelles troglodytes découvertes dans les Deux-Sèvres, ou des souterrains associés à de très vieilles églises en Allemagne et en Autriche, ainsi qu’en Kabylie. Le rite chrétien aurait-il « récupéré » un culte païen pour mieux s’implanter ? Cela est fort possible et s’est d’ailleurs produit au moins une fois, la fête de Noël étant fortement associée au solstice d’hiver.
Pour le moment, aucun élément ne permet de trancher la question du rôle de ces souterrains, qui ne sont pas spécifiques de la montagne bourbonnaise, comme on le voit au travers de cet article. Leur densité dans cette région sauvage et sombre reste néanmoins remarquable, tout autant que le sont les points d’interrogation qui les entourent et qui font de ces souterrains annulaires, un véritable mystère archéologique en plein cœur de la France.
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Crédit photo : http://prilep.club.fr/galerie2/souterraincultuel/galerie.htm