Ma vie de courgette (la mienne)
par Orélien Péréol
lundi 7 novembre 2016
C’est un film qui perpétue et augmente ce que j’ai appelé déjà, le syndrome Kirikou qui postule qu’il n’y a pas de méchant, que les méchants sont des gentils qui souffrent, qu’il suffit de leur enlever l’épine qu’ils ont dans le dos. Pour certains méchants, on vainc leur méchanceté par le récit du réel, le récit de ce qui les fait souffrir ou le récit du mal qu’ils font, auquel cas, ils s’enfuient immédiatement sans demander leur reste (on voit ça dans Ma vie de courgette !).
Les personnages de ce film ont de très grosses têtes et de tout-petits corps, un peu comme les bébés, beaucoup plus que les bébés. Il est sûr qu’il y a une grande tendresse des cinéastes envers leurs personnages, ce qui est très agréable. La lenteur est aussi un effet de style rare et qui passe bien ici, qui devient presque grand public. Pour le reste, tous les faux méchants fondent facilement au soleil des bons mots et dire d’où l’on vient c’est-à-dire dire d’où vient sa souffrance fait partie de ces soleils qui rappliquent sitôt évoqués et chauffent et parfument l’air sitôt présents…
Les bons mots des enfants sur la sexualité sont charmants. Selon eux, le zizi du garçon explose. On interprète une explosion de joie… quelle explosion n’est pas précisé… la fille transpire et n’arrête pas de dire qu’elle est d’accord.
Le reste surfe joliment sur les allant-de-soi. Les histoires pour enfants sont généralement des histoires d’enfants sans parents ou avec des parents méchants (Harry Potter, Tom Sawyer, Huckleberry Finn, James et la grosse pêche, tout Roald Dahl…)… Cette constante est renversée par le fait qu’ici, les enfants soignent leurs blessures et recherchent un minimum de joie de vivre. Mais enfin, quand ils mangent il n’y a pas d’éducateur, ni de cuisinier…
L’orphelinat est une maison bourgeoise carrée au milieu d’une plaine verte et vide qui en fait une prison au milieu d’une rase campagne, lisse comme la main… Les parents sont des vilains et les professionnels des soutiens aimants sans reproche. Le policier reçoit de l’eau jetée par la fenêtre et il ne s’en lasse pas : « ils n’aiment pas la police_ Eh oui je sais. » Une enfant préfère l’attente obstinée de son sauveur, c’est-à-dire de sa mère, à l’arrivée réelle de celle-ci ; c’est bien ainsi. Toute sorte de jolies images, comme l’écureuil qui vient voler une frite tombée à terre et disparait avec la crainte qu’on imagine à cette bête-là quand elle n’est pas perchée sur un arbre.
Dans ce fonctionnement tendre des clichés et stéréotypes, on voit le rôle de la mère et du père dans le plus traditionnel du système genré. L’animatrice et l’instituteur qu’on voit si peu que je ne suis pas sûr que ce soit lui ont un enfant. « C’est à cause du zizi de Paul ». Ensuite, une scène avec le bébé dans la poussette et la maman, discussion qui tourne autour de l’abandon (par la maman). Congruent avec la triste vie de ces enfants en orphelinat.
Le papa du bébé ? Il doit être en bas, à scier du bois, sans doute. On est en plein conformisme : le désir, c’est l’homme ; l’homme, par désir, choisit la femme, qui dit oui ; et de leur union, la femme fait un enfant, qui est à elle.
Tristesse.