Macroscream, l’alchimie progressive venue de Rome
par Bernard Dugué
mercredi 29 juin 2016
L’Italie n’est pas un pays centralisé comme la France. On le remarque dans la plupart des secteurs et notamment la scène progressive répandue du nord du sud. Ce qui n’empêche pas la capitale d’être partie prenante avec des jeunes formations parmi lesquelles Macroscream fait figure de groupe prometteur avec des musiciens la plupart issus du conservatoire. C’est le chanteur et bassiste Alessandro Patierno qui est à l’origine de cette formation dédiée au progressif joué façon vintage et dont il signe les six compositions du second album édité en 2016 par les bons soins de la maison indépendante Fading Record, subdivision de Altrock dont le catalogue est déjà bien fourni en musique alternative.
Macroscream est resté à l’état de projet à partir de 2001 et c’est sept ans plus tard qu’une line-up opérationnelle fut constituée avec l’arrivée du percussionniste Marco Pallotti, du guitariste Tonino Politano et du claviériste Davide Cirone. Par la suite, le violoniste Gianpaolo Saracino a rejoint la formation complétée récemment par l’arrivée du chanteur Luca Marconi. Si l’on égrène les instruments utilisés, on se forge une idée de la musique qui nous est offerte. En plus des instruments basiques du rock, la guitare classique, la mandoline et le vocoder sont employés par Patierno alors que le claviériste n’économise pas ses efforts sur des instruments vintage qu’on reconnaît aisément dans les compositions. Orgue Hammond, mellotron, minimoog, piano électrique et synthétiseurs Korg contribuent à donner aux exécutions cette coloration vintage si chère à nos oreilles progressives éduquées pendant les seventies.
Sur ce dernier album éponyme, Macroscream exécute six compositions pour une durée totale d’une heure. Faites le calcul, cela donne une moyenne de dix minutes pour des morceaux dont la complexité devient évidente dès la première écoute. Et c’est ce qui fait l’intérêt de cette musique qui refuse de se couler dans les moules et les choses déjà entendues. Chaque morceau possède une teinte particulières tout en déclinant plusieurs séquences formant une suite de tableaux baroques dont la diversité est due aux instruments employés, sans oublier la bonne douzaine d’invités qui se sont joints au sextuor pour quelques parties vocales ou alors de sax, de flûte et autres instruments à vent. Le résultat est hétéroclite, avec des ambiances de symphonisme débridé, entre folk et pastoralisme, joué à la Gentle Giant, des incursions dans un genre rock in opposition rappelant Area et des séquences endiablées dans l’esprit du Tull ou de Gordon Giltrap.
Le CD dans le lecteur et c’est parti, avec un premier morceau jazzy entre Tull, Giant avec des parties vocales évoquant parfois Zappa. C’est swinguant et bluffant, avec un violon joué façon Grappelli. Et la musique part dans toutes les directions, devenant expérimentale avec des nappes de clavier, des parties de piano, des cymbales planantes venant se superposer. A bout de quelques minutes, l’oreille est autant ravie que perdu dans les méandres d’une composition complètement débridée, et les synthés qui attaquent avec rage, alimentant le tempo et à nouveau le violon pour une atmosphère RIO évoquant Aksak Maboul. Piano, guitare et j’en passe. Ce premier morceau de 13 minutes n’est pas fini et pourtant beaucoup de choses ont été dites. Et nombre de séquences se dont déliée de façon baroque et inattendue. Il faudra plusieurs écoutes pour apprécier les subtilités de cette musique parfois suave avec l’orgue lancinant et souvent endiablée.
Le second morceau débute par des bruitages conférant un style free et krautrock plutôt inattendu. On se situe loin des clichés du prog symphonique. La musique évolue dans une direction jazz rock assez raffiné et chaleureux. Un côté rassurant que confirme le troisième morceau malgré des débuts assez déroutants. La quatrième composition continue dans un registre à la fois jazzy et free, alternant passage swinguant et choses plus improbables. Comme ce violon qui semble flotter vers les mers du sud. Il ne manque plus que la terrasse, le soleil et le rosé et c’est l’ambiance assurée. Le morceau se finit d’une manière inattendue, avec des nappes glissantes de clavier et des cuivres planants. Un coup de gong et l’on se glisse dans les deux dernières compositions toutes aussi débridées et inventives avec une belle virtuosité et des ruptures de rythme parfaitement assumées.
Un disque à ne pas rater d’autant plus que la présentation en triple digipack cartonné fait de ce CD un bel objet de collection autant qu’un témoignage de la vivacité de la scène progressive italienne qui ne baisse pas la garde depuis presque 5 décennies de bons et loyaux services et qui voit chaque année de nouvelles formations émerger.
En écoute