« Mademoiselle Julie » d’August Strindberg, au Théâtre Marigny

par Theothea.com
vendredi 17 mars 2006

Mesdemoiselles Julie et Christine vont en bateau avec Monsieur Jean, et c’est pourquoi l’une chante et l’autre pas.

Réunis en un huis clos le temps d’une nuit, celle de la Saint-Jean, la plus courte de l’année, mais chaude comme les braises du poêle près duquel Christine, la domestique de Monsieur le comte, va feindre le sommeil, Julie la jeune aristocrate et Jean le valet vont se livrer à un jeu de poker menteur où les deux partenaires n’auront de cesse de provoquer l’art de la séduction aux dépens de l’autre.

Se vêtant des rôles d’Ingénue et de Casanova de circonstance adoptés dans la foulée de valses prometteuses, lui aura en point de mire l’élévation sociale interdite jusqu’à ce jour à son rang, elle se la jouera "Amour-Passion" sans qu’aucun des deux ne prête l’oreille aux conseils de prudence que la présence endormie de la fiancée de Jean leur souffle à chaque instant de ce coup de folie.

De la maîtresse à l’esclave, il n’y aura que le revers de la dominée au dominant, puisqu’ainsi se seront distribuées les cartes de Tendre bafouées par le cynisme de l’ambition professionnelle.

De Julie à Jean en passant par Christine, d’un point de vue à l’autre, ce sont, en conséquences désastreuses, les règles sordides du réalisme social qui triompheront de l’acte du déshonneur par la transgression du principe de vie.

A trop jouer avec le feu, Mademoiselle Julie aura définitivement signé sa jeunesse amoureuse avec l’encre indélébile abolissant les privilèges de ceux qui rêvent encore.

Emilie Dequenne se glisse à merveille dans ce profil fantasmé par Didier Long à la suite d’August Strindberg, mais il lui faudra beaucoup de quant-à-soi pour ne pas se laisser gagner par les démons qui eurent raison d’Isabelle Adjani en d’autres temps et côtoyant les mêmes périls.

L’enjeu en effet est de ne pas se laisser submerger par les pulsions d’autodestruction qui font tanguer l’embarcation chargée d’émotions contradictoires à assumer lors de chaque représentation.

Cependant là où le charisme exacerbé de Niels Arestrup avait pu être un facteur supplémentaire de perte d’équilibre, il faut dire que le jeu sobre et déterminé de Christine Citti et celui très class de Bruno Wolkowitch soutiennent avec une attention extrême, le baptême des planches qu’Emilie Dequenne semble réussir à l’aune du plus dangereux bizutage de la dramaturgie.

Photo Ldd. Fabienne Rappeneau

MADEMOISELLE JULIE - *** Theothea.com - d’August Strindberg - mise en scène : Didier Long - avec Emilie Dequenne, Christine Citti, Bruno Wolkowitch - Théâtre Marigny salle Popesco -


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