« MIAM MIAM » Y’a bon Edouard Baer
par Theothea.com
vendredi 29 janvier 2010
C’est donc, constamment, dans l’écartèlement de ses potentialités et autres talents que, considérablement à l’aise mais à ses risques et périls, il négocie avec toutes les formes de show.
Du « one man » jusqu’au « chef de troupe » via l’animation, il parcourt la gamme des prestations, lui permettant de slalomer entre des registres qu’il se garde bien de connaître par coeur.
Aussi, quand il écrit une pièce de théâtre, destinée à être jouée sur l’une des scènes parisiennes les plus éminentes, c’est, bel et bien, avec l’intention de ne pas être attendu sur le terrain des auteurs estampillés.
Ainsi, conscient qu’il est capable de tout, il préfère se donner l’image de celui qui touche à tout, sans jamais être jamais reconnu comme le spécialiste d’un genre catalogué.
Et cependant, plus ou moins à son insu, s’esquisse celui d’un artisanat en voie d’élaboration permanente qui n’aurait d’autre prétention que celle d’être le voyeur distancié d’un aboutissement artistique, peut être, redouté :
Edouard Baer chercherait, en permanence, à séduire mais il craindrait, par dessus tout, d’y réussir.
Alors, il cultive la culture de l’évitement, du décalage, de la pirouette, du double sens, du énième degré, bref de la malice en tout genre ; il s’amuse et jongle, tout autant, avec le snobisme qu’avec le prosaïsme ; il aime être ce funambule qui flirte, sans cesse, avec la catastrophe mais qui ne reste en équilibre que grâce à l’oeil qui frise.
C’est pourquoi avec « Miam miam », non seulement il préserve l’intégralité de son appétit mais, en démarrant, en trombe, dans un ersatz de vaudeville, il atterrit en douceur et profondeur, au music-hall en compagnie des prestidigitateurs et de leurs marionnettes, ainsi qu’au cirque, au milieu des clowns et des gentils petits cochons.
Si monter un restaurant surbooké, en lieu et place d’une pièce ringarde, dans un théâtre avide de remplir sa salle grâce à un public en appétence toujours renouvelée, relève d’un concept marketing en pleine ébullition, il est loin d’être absurde qu’Edouard Baer ait voulu relever ce défi, ciblant, parfaitement, la logique artistique du personnage médiatique qu’il s’est forgé.
D’ailleurs, qu’importe la pertinence du succès, puisque la jauge du théâtre Marigny est archi-comble et que ses neuf partenaires y trouvent, chacun à leur manière, leur compte de renommée.
En jouant sans cesse à - qui risquerait de tout perdre -, - gagne, toujours plus, que la mise -, Edouard Baer apparaît comme l’artiste du spectacle vivant, si non le plus drôle, à coup sûr, le plus surréaliste de son époque.
photo © Sylvain Granjon
MIAM MIAM - ** Theothea.com - de & par Edouard Baer - avec Atmen Kelif, Philippe Duquesne, Léa Drucker, Diane Bonnot, Alka Balbir, Jean-Michel Lahmi, Christophe Meynet, Laura Sillampaa, Patrick Boshart & Jean-Philippe Heurteaut - Théâtre Marigny