Monumenta, l’arnaque ?

par Lapa
lundi 9 juin 2008

Après Anselm kieffer en 2007, c’est au tour de Richard Serra de se mesurer à la nef du Grand palais du 7 mai au 15 juin avec une installation intitulée "Promenade pour la Monumenta 2008".

Attiré par les critiques élogieuses et un ami féru d’industrie métallurgique et d’art, je me décide de « bouleverser ma perception des choses » et de « vivre une expérience unique ». Ça tombe bien, l’entrée n’est pas très chère, 4 € et il n’y a pas foule aux guichets. Après les différents contrôles, le visiteur entre dans cet espace monumental de la nef, immense gare vide dans laquelle déambule une population clairsemée. La première vision de l’œuvre est très minimaliste, une tranche de 15 cm d’un monolithe d’acier de 20 m de haut, noyé dans les lignes de la charpente métallique. A mesure que l’on s’approche, la perspective fait varier l’aspect de l’œuvre pour arriver à une gigantesque tôle aux dimensions exagérées, plantée au milieu de la nef.

En embrassant l’immense salle, on aperçoit 4 autres de ces congénères, plantés de part et d’autre d’une ligne virtuelle représentée par l’axe de la grand-nef. Au milieu, un piano sur une estrade avec Philip Glass, esseulé, qui répète pour le concert du soir. La musique coule, agréable et intemporelle dans ce lieu magique.


Les plaques en acier intriguent, mais ne dégagent aucune émotion particulière. On reste sur des platitudes purement techniques :
quel poids font-elles ? A vu de nez, avec la densité de l’acier, vers les 80 t ? Les motifs du matériau sont caractéristiques de sa fabrication, les traces aléatoires d’oxydes de fer sont les mêmes que sur les pièces que je fraisais à l’école. Les autres motifs de ces parois monochromatiques sont dus à quels incidents industriels ? Au fait, comment les ont-ils montés sur place ?

On caresse, on regarde, on se prend en photo (vive les portables) devant le tas de ferraille, on s’amuse de la mise en perspective et des dimensions. On admire aussi beaucoup la charpente. Mais rapidement on s’aperçoit que l’espace, malgré ces 5 « sculptures », est désespérément vide. A l’étage, trône, minuscule, un écran plat digne d’un salon de 40 m2 (!) sur lequel déroule le DVD de l’expo. L’artiste explique son process de création avant de rentrer dans son loft à New York (évidemment). Il faut se méfier, une œuvre d’art qui a besoin de 3 heures d’explications métaphysiques n’est-elle pas souvent une vessie qu’on veut nous faire prendre pour une lanterne ? L’avantage de la vidéo, néanmoins, est de permettre aux Parisiens de voir comment on coule de l’acier : aussi pédagogique qu’un Salon de l’agriculture, mais pour l’industrie en quelque sorte. Au final d’ailleurs, la création de l’œuvre ne diffère que très peu de la fabrication de tôle pour n’importe quel cargo.

Par contre, le minimalisme n’a pas atteint ni la boutique de souvenirs ni la cafet. On s’aperçoit que cette installation mobilise beaucoup autour d’elle : médiateurs culturels (sic), contrôle des billets, sécurité renforcée… (de peur sans doute qu’on parte avec une œuvre ?), vendeuses, barmen, preneurs de son, cameramen… tout ce petit monde s’agite et gravite autour de l’expo. D’ailleurs l’œuvre de Serra ne se suffit pas à elle-même. Il faut la splendide nef et la musique (ou les danseurs) pour donner de l’intérêt. Imagine-t-on devoir inviter un orchestre pour pouvoir admirer un Picasso ? Bref, il se dégage de tout cela un certain goût de minimalisme excessif. L’œuvre n’est de plus pas très novatrice, on a vraiment l’impression que Serra a assuré le service minimum. Un peu court, nan ? Finalement le piano commence à nous prendre la tête, la déambulation a été faite et refaite, il est temps de sortir. Au vu du nombre de commanditaires de l’événement, on comprend pourquoi les médias ont pu être aussi enthousiastes. Et si la Promenade reste agréable, elle ne vaut clairement pas le voyage ; tout juste le détour.

http://www.monumenta.com/2008/


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