Münich, de Spielberg : l’info spectacle

par Bernard Lallement
vendredi 27 janvier 2006

Dans la lignée de La liste de Schindler, Spielberg revient, avec Münich, à l’histoire . celle, tragique, de l’attentat des jeux olympiques de 1972, sur lequel s’ouvre son film.

La nuit du 4 au 5 septembre 1972, un commando de huit Palestiniens, baptisé Septembre noir, prend onze athlètes israéliens en otage et exige, en échange, la libération de 200 de leurs compatriotes emprisonnés dans les prisons israéliennes. Au bout de plus de vingt heures de négociations, menées dans la plus grande confusion, Israël et l’Allemagne refusent toute concession.

Toutefois, les autorités allemandes consentent à mettre un avion de la Lufthansa à la disposition des terroristes. Arrivés à l’aéroport, ceux-ci sont assaillis par les tirs de cinq policiers qui soldent l’opération en carnage, au cours duquel tous les otages seront abattus, ainsi que cinq Palestiniens et un membre des forces de l’ordre.

Ceci posé, l’intrigue principale, développée par Spielberg, relate la mission secrète « Colère de Dieu » ordonnée par Golda Meir, Premier ministre de l’Etat hébreu, et confiée à cinq agents du Mossad, dont un artificier français, joué par Mathieu Kassovitz. Il s’agissait de traquer et d’éliminer, en Europe, les cerveaux de l’opération à l’aide d’informations fournies, en France, par un énigmatique et cupide activiste Yuval Aviv (Mathieu Amalric).

En utilisant la scénographie du thriller, le réalisateur amène le téléspectateur à questionner le bien-fondé de la violence comme arme de vengeance politique. « Oublions la paix pour le moment, nous devons leur montrer que nous sommes forts », déclare Golda Meir, à qui Lynn Cohen prête ses traits.

Ainsi, Avner, chef du commando vengeur, magistralement interprété par Eric Bana, sera ce justicier sans faille, fidèle à la cause sioniste pour laquelle il abandonne carrière, famille et enfant, mais qui, au fur et à mesure de l’action, doute de ses réelles motivations et, finalement, ne sera pas loin d’être devenu un simple assassin.

L’info spectacle

C’est tout le mérite de Spielberg de ne pas prendre partie pour l’une quelconque des causes. Il ne sombre pas dans le témoignage militant, et cela lui est reproché dans la communauté juive, en Israël ou ailleurs. C’est, en effet, toute une réflexion sur la politique de représailles de l’Etat israélien, menée depuis plus de trente ans, qui est ici mise en lumière, avec l’inévitable spirale sans fin de la violence rendant impossible tout dialogue.

Un terroriste rappelle au chef du commando du Mossad : « Nous n’avons pas de terre, voilà pourquoi nous agissons », et plus loin, vers la fin du film, comme en écho, Mathieu Kassovitz devient perplexe : « Nous sommes Juifs, un Juif n’imite pas son ennemi. »

La violence, sous quelque forme qu’elle se manifeste, est un échec, disait Sartre. La dernière image se fond dans celle des tours du Word Trade Center de New York. Tout un symbole.

Interrogé, après la présentation au public de Münich, Abou Daoud, instigateur de la prise d’otages et réfugié en Syrie, affirme « ne rien regretter ».

Mais le film est, aussi, révélateur d’une époque où nous devons convoquer le spectacle, à grand budget, pour porter le débat sur l’un des points les plus sombres du conflit israélo-palestinien. A croire que l’émotion est la condition essentielle de tout esprit critique. Quel paradoxe !

Münich, de Steven Spielberg, adaptation du livre Vengeance, de George Jonas. En salle à partir de mercredi pour la France.

Photo : Sipa


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