Mythes, histoire et géographie

par Michel Koutouzis
mardi 8 décembre 2009

Thermonucléaire, mammographie, trigonométrie, théâtre, cinéma(tographe), eugénisme, écologie, économie, géométrie, théologie mais aussi métaphore, ellipse, éthique, philosophie, abysses, psychose, psychotropes et entropie, Nike ou Emporion (Armani), cité et citoyen, xénophobie, barbares et métèques, et last but not least, histoire et géographie.

J’aurais pu écrire cet article uniquement en mots grecs, mon logos n’aurait pas été moins compris que le paragraphe précédent. Comme tout processus, celui du dialecte, de l’idiome, de la langue, de la technologie ou de l’épistèmê insère et intègre, fait muter et oublie (le sens premier), progresse et schématise, simplifie.

Je viens de terminer un long voyage qui me porta d’Ithaque à Troie. Ce n’était pas en trière, bien sûr, mais en ferry-boat, mais durant la traversée, je lisais Homère. J’aime ça. J’aime cette relation entre les hommes orgueilleux et les dieux éphémères et fragiles qui se chamaillent, se blessent, se trompent, passent des alliances aussitôt trahies comme les combattants afghans. J’aime cette guerre perpétuelle entre la techné et la thaumaturgie, ce monde intermédiaire aussi fascinant que la légende du roi Arthur. Déméter rôdant dans les limbes situés entre la sauvagerie de la nature et les règles de la Cité, Apollon traçant son chemin avec une branche de pavot offrant des rêves sereins aux combattants, Aphrodite se plaignant d’avoir été blessée par des achéens téméraires et son père Zeus lui répondant : à chacun son rôle ma fille, laisse à Arès l’art de la guerre et concentre toi à ce que tu sais faire. J’aime l’inventivité d’Ulysse, les ruses de son intelligence, minaudant et se plaignant vis-à-vis des dieux, mais n’en loupant pas une pour les manipuler, méprisant leur immortalité, tout comme Achille, qui met l’amour avant le devoir, la passion bien avant les règles claniques.  Combattant unique et parfait, il reste avant tout l’amant, l’aimant idéal. Je n’irais pas jusqu’à dire que pour Homère le moteur de l’Histoire c’est le sexe, mais on n’est pas loin. Mais je m’égare, aspiré par des histoires, des poésies, une mer d’îles et de brumes matinales, de littoral soupçonné sortant de l’aube. Mon sujet c’est l’Histoire. Pas la comptabilité, la régie, la gestion de l’histoire, mais l’Histoire et la Géographie. Loin d’elles, pas de techné. La soi-disant cohérence des branches du savoir, des troncs homogènes, la « spécialisation » depuis le fœtus, la fin des humanités, l’illettrisme scientifique restent, à mon sens, la cause principale de la crise financière, du désastre écologique, de la solitude citoyenne, et plus que tout, de l’agonie des mythes fondateurs, de la cohérence et de la cohésion de la cité. Si « science sans conscience » ont donné Auschwitch, science sans Histoire donne Hollywood, ou la fiction onirique - débridée et corrompue - remplaçe les sens. Où le savoir-faire occulte l’objectif, où le comment remplace le pourquoi. 

Où l’hubris, la démesure, remplace l’eumétrie. Où la fuite en avant remplace la quête. Où enfin la productivité, le résultat comptable, remplacent l’Economie. C’est-à-dire la bien gérance de notre oikos, notre maison. La notre, et celle de tout le monde, la terre. 

Le mythe (Iliade d’Homère) l’Histoire (la guerre péloponnésienne de Thucydide), la Géographie (Histoires d’Hérodote), devraient être enseignées comme matière principale à tous les étudiants en sciences. Et enseignées encore… 


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