Néandertal, le frère que je n’ai plus !

par Hervé Buschard
mardi 26 septembre 2006

 

Et si l’homme de Néandertal avait survécu ? S’il n’avait pas disparu il y a 28 000 ans ? Alors nous ne serions pas aujourd’hui, nous les Homo sapiens, la seule espèce d’êtres humains à vivre sur Terre...

Qu’est-ce qui a bien pu arriver à Homo neandertalensis il y a de cela 28 000 ans ? C’est encore aujourd’hui un mystère. Mais les paléoanthropologues ne désespèrent pas de le percer un jour. En attendant les hypothèses vont bon train. L’homme de Néandertal est apparu sur terre il y a environ 300 000 ans pour disparaître 272 000 ans plus tard. Sapiens, dont nous sommes les descendants, n’est apparu, lui, qu’il y a environ 200 000 ans... Il semble donc que Néandertal soit notre « grand frère » !

Les paléoanthropologues sont pourtant sûrs d’une chose : si Néandertal et Sapiens ont cohabité pendant 172 000 ans, ils n’appartenaient pas à la même espèce. Nous possédons cependant un ancêtre commun : Homo ergaster, apparu lui il y a 2 millions d’années. L’isolement géographique des différents groupes « d’hommes » qui ont colonisé la planète par la suite les a fait évoluer dans des directions distinctes. Puis les mutations génétiques ont fait le reste. Quand ils se sont retrouvés plusieurs siècles plus tard, Néandertal et Sapiens n’étaient plus interféconds, bien que très proches physiquement. On a pourtant découvert de jeunes hybrides « probables » entre les deux espèces mais en nombre très limité, ce qui porte à croire qu’à l’instar des autres espèces animales, si des croisements étaient possibles, ils produisaient des individus non viables, ou eux-mêmes incapables de se reproduire.

Mais qui était donc Néandertal ? Un homme, oui, assurément. Et bien loin de l’image de brute épaisse qu’on lui a collée depuis sa découverte en 1856. Il possédait des capacités cognitives identiques aux nôtres, était un excellent chasseur et même enterrait ses morts, prouvant par là qu’il s’interrogeait d’une certaine manière sur le devenir de l’être après la vie. On a d’abord pensé que Néandertal était « inférieur » à Sapiens qui l’aurait supplanté grâce à sa plus grande adaptabilité et à son intelligence. On a la certitude aujourd’hui que Néandertal était un être au moins aussi intelligent que Sapiens (le volume de son cerveau, légèrement différent du nôtre, était même supérieur !) et pour ce qui est de l’adaptabilité, on sait que Néandertal a été le premier à coloniser le Nord de l’Europe et qu’il s’en est très bien porté pendant plus de 100 000 ans ! Il semble aussi que des « échanges » culturels aient eu lieu entre les deux espèces. Certains outils en effet leur sont communs, même si chacun avait des outils ou des armes qui lui étaient propres. Enfin tous deux possédaient un sens artistique certain et reconnu. De toute façon, même s’il y a eu des périodes « d’alternance » d’occupation de l’Europe en particulier, au gré des changements climatiques, Néandertal étant plus adapté au froid et Sapiens au climat tempéré, on peut sans risque imaginer que les deux espèces se sont croisées à plusieurs reprise pendant les plus de 1700 siècles où elles ont occupé la Terre simultanément !

Alors guerres tribales ? Rivalité territoriale ? Ou plus probablement épidémie virale rapportée des climats tropicaux par Sapiens et qui aurait décimé la population néandertalienne qui n’était pas immunisée ? Toutes les hypothèses sont envisageables, et aucune à ce jour n’emporte l’unanimité. Pourtant Néandertal ne s’est pas éteint subitement. Sa population a dû décliner, sans doute à cause des changements climatiques qui l’obligeaient sans cesse à migrer, ce qui l’aurait affaibli, éparpillant les groupes d’individus et rendant les rencontres entre eux de plus en plus aléatoires.

Qu’en serait-il, s’il avait survécu ? Le monde aurait-il pu supporter le poids de deux espèces d’hommes distinctes ? Sapiens a évolué dans des voies parfois très différentes, mais les hommes qui occupent la Terre partagent tous le même patrimoine génétique (n’en déplaisent à certains...) formant une seule et unique espèce. Ce qui fait dire à la communauté scientifique aujourd’hui que la notion de « race » est tout simplement impropre à l’espèce humaine qui ne connaît pas de subdivision. Même si des différences physiques (uniquement dues à notre adaptation aux climats dans lesquels nous avons vécu depuis des dizaines de milliers d’années) apparaissent parfois entre nous (couleur de peau, forme des yeux), notre génome commun fait que nous sommes interféconds, et que nos descendants le sont tout autant que nous. Pour bien assimiler cette notion, souvenons-nous par exemple que les tigrons (ou tiglons) sont les hybrides du tigre et du lion, mais qu’il sont stériles. Les tigres et les lions sont donc bien deux espèces distinctes appartenant à la même famille, celle des félins. De même pour Néandertal et Sapiens. Deux espèces d’hommes distinctes.

Dans quel monde vivrions-nous aujourd’hui aux côtés de Néandertal ? Un monde encore plus xénophobe et ségrégationniste ? Ou au contraire un monde plus tolérant ? Car qui nous dit que Néandertal, ce « frère » que nous n’avons plus et qui a pourtant passé sur Terre plus de temps que nous, n’était pas, après tout, plus tolérant et philosophe que Sapiens... ?

En étant pessimiste, il serait tentant de croire que les difficultés seraient accrues du fait de la présence sur notre planète d’une autre espèce humaine. Mais rien n’empêche d’être optimiste, et de penser que notre savoir, notre cheminement intellectuel auraient été bien différents grâce à Néandertal, et qu’il nous aurait peut-être menés à plus d’amour et de respect de la vie humaine, quelle qu’elle soit. On peut toujours rêver !

Hervé Buschard.


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