Nine Inch Nails tisse de nouveaux liens musicaux et commerciaux sur internet

par Monserrat33
lundi 7 avril 2008

Le groupe américain Nine Inch Nails vient sans doute de trouver une manière de résister au téléchargement illégal en proposant une nouvelle forme de liens artistiques à ses fans. En effet, le groupe laisse derrière lui sa maison de disques pour se lancer dans une nouvelle forme d’aventure musicale. Nine Inch Nails a fait le pari que, s’il proposait gratuitement sur internet une dizaine des trente-six morceaux de son nouvel album, Ghost, les fans accepteraient de payer pour obtenir la totalité.

Moyennant la somme de 5 dollars, l’utilisateur pourra obtenir l’intégralité de l’album, accompagné d’un livret de 40 pages. D’autres offres sont aussi mises à disposition : ainsi pour 75 dollars, le vrai fan se retrouvera en possession d’un coffret avec le double CD, un DVD avec toutes les pistes au format Wave permettant de faire ses propres remixes, un disque Blu-Ray avec l’album en haute définition audio et enfin un livre de photos de 48 pages ! Toutes ces offres sont autant d’initiatives qui visent à ne plus proposer un produit commercial et calibré par les maisons de disques.

Un pari osé dans l’univers du téléchargement, car il suffit qu’un seul acheteur fasse l’acquisition de l’album pour voir se propager par la suite sur internet tous les fichiers. Mais, à l’évidence, Nine Inch Nails ne conçoit pas la propagation de son album comme un drame, bien au contraire, car le souci du leader, Trent Reznor, est bien la transmission massive de ses musiques. Et internet constitue le parfait moyen de diffuser allègrement l’ensemble de ses compositions. Lors de la sortie du précédent album, Year Zero, le groupe avait même placé certains de ses morceaux sur des sites de téléchargement sans même en avoir informé sa maison de disques. Cela avait d’ailleurs créé un imbroglio assez mémorable, car Interscope Records avait attaqué en justice tous les sites internet avant de découvrir le pot aux roses.

Au grand dam des majors, les artistes tissent avec leurs fans de nouveaux liens grâce à internet et savent que le rapport mercantile est désormais en train de changer. Les fortunes des maisons de disques et des distributeurs, acquises par les ventes de CD et de produits dérivés, pourraient bien s’éteindre avec le développement d’internet et ne plus laisser place qu’à une relation directe du producteur aux consommateurs. On pourrait ainsi être amené, à se retrouver dans une situation de rééquilibrage économique où l’œuvre d’art serait désormais acquise au prix de sa véritable valeur, valeur déterminée conjointement par le consommateur et le producteur.

Les artistes qui ne touchaient quasiment rien sur la vente de leurs CD pourraient bien être les grands gagnants de cette nouvelle forme de distribution. Car le lien commercial s’effectuera de manière directe et surtout dans une relation de proximité qui avait disparu dans le développement du star-système orchestré par les majors du disque et les médias. La mise à distance du producteur, du créateur originel participait de cet enrichissement des intermédiaires, au point que la relation du consommateur à l’artiste se perdait dans les grandes surfaces vendeuses du “produit culturel”.

En sortant des voies de production et de distribution traditionnelles, Nine Inch Nails tente de mettre fin à ce que Jean Baudrillard appelait la mystification du consommateur, qui consiste à lui faire croire qu’il est libre et souverain. Celui-ci pourra alors reprendre sa place auprès de l’artiste, et redonner enfin à la musique sa dimension oppositionnelle, fondée sur le refus de l’incorporation des œuvres d’art à la masse des produits mercantiles distribués par des commerçants. A l’instar de Radiohead, en rejetant les intermédiaires, Nine Inch Nails tisse de nouveaux liens artistiques entre l’auditeur et l’artiste afin de concevoir un espace uniquement centré sur la création.

Laurent Monserrat



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