Notre concert au jardin
par C’est Nabum
vendredi 1er juillet 2016
L’alternative culturelle
Il faut se rendre à l’évidence : les chansons françaises, le conte, la poésie ne trouvent plus leur place dans le grand concert culturel des salles municipales, des guinguettes à la mode et des fêtes de quartier. L’exotisme est la règle, les décibels la norme, la notoriété une priorité. La découverte est un luxe que bien peu de gens s’offrent encore : il faut des noms, des têtes d’affiche, de la vedette estampillée « Vu à la télé ! »
Dans ce naufrage de la curiosité, le pauvre inconnu n’a plus d’autre solution que de tenter désespérément de trouver des lieux alternatifs, des espaces qui échappent aux lois du marché. Il va pouvoir chercher longtemps : les petits cafés-concerts sont étranglés par la Sacem, cette hydre impersonnelle et si vorace, cette machine à engraisser les grosses écuries et à martyriser les petits, les artisans de la musique.
Les espaces où il est possible de s’exprimer, de proposer autre chose que les produits standardisés, estampillés « culture officielle » sont de plus en plus rares. Les municipalités, elles aussi étranglées par la baisse des budgets, font presque toutes le choix de tailler dans l’enveloppe attribuée à la Culture. Il faut bien équilibrer les comptes en sacrifiant les contes et les sornettes.
On préfère désormais du clinquant, du tape-à-l’œil : un gros feu d’artifice qui va faire partir des milliers d’euros en fumée tout en donnant pleinement satisfaction au plus grand nombre pour quelques exclamations bien senties. Alors, plus de concert, plus de fêtes pour faire vivre le kiosque ou la place du village. Les petits artistes n’ont plus que leurs yeux pour pleurer cette triste réalité.
Mais ils veulent toujours se faire entendre, donner à apprécier leur petite musique, leur vision personnelle du spectacle et de la société. Il leur faut trouver de petits espaces, des asiles qui ne ferment pas encore leurs portes à l’expression artistique. C’est ainsi que les concerts au jardin se multiplient pour contrebalancer l’indifférence et le mépris.
Les chanteurs français, les raconteurs, les diseurs de poésie vont chez des particuliers qui invitent leurs voisins, leurs amis. C’est à la bonne franquette que se retrouvent ceux qui n’ont pas renoncé à célébrer la langue française. C’est avec une âme de militant que quelques particuliers transforment leur petit pré carré en salle de spectacle, quasiment clandestine, pour échapper à la redoutable Sacem et aux impôts.
Car, il faut bien le reconnaître, un chapeau tourne parmi l’assistance pour honorer ceux qui se donnent ainsi en spectacle. Cette pauvre clandestinité relève du travail au noir comme le caractérisent les tenants de la ponction permanente ; c’est le dernier coup tordu que propose une société qui se refuse à respecter les petits artistes, les amoureux du verbe et de la fiction, de l’imaginaire et des beaux mots.
Il faut ici féliciter les hôtes, les rebelles du réel, qui ouvrent ainsi cœurs et portes en prenant le risque de la contravention. Ce sont, eux aussi, des résistants de la culture francophone ; ils sont militants d’une cause qui semble perdue d’avance. Il en faut du courage pour transformer sa pelouse en espace scénique, trouver de quoi sonoriser et installer les spectateurs !
Et comme le temps ne se met pas au diapason, il faut envisager le pire, la pluie qui s'invite, vient semer le désordre et le désarroi sur ceux qui osent encore se produire en extérieur en cet été pourri. Il leur faut croiser les doigts et compter sur la clémence des cieux. Une nouvelle difficulté à surmonter dans un environnement de plus en plus hostile.
Ce dimanche, nous allons dans un jardin que je ne peux nommer, vous le comprendrez bien. Nos hôtes ont l’intention de créer un véritable événement culturel chez eux, réunissant des artistes qui ne demandent qu’à pouvoir s’exprimer et qui souvent ne le peuvent plus. Il y aura des chanteurs français, auteurs, compositeurs, interprètes, un poète qui viendra déclamer ses œuvres, un conteur que vous connaissez bien.
Nous partagerons la scène ; nous nous produirons pour le seul plaisir de diffuser nos œuvres, de faire entendre notre différence et notre sensibilité. Nous savons que nous ne sommes pas de nature à rentrer dans la programmation des tourneurs et des imprésarios : ceux-là ne feront jamais l’effort de nous écouter ; il leur faut du clinquant, du bruyant, de l’aguichant même, comme on ose l’affirmer à deux pas de là. Nous ne faisons que de la bonne chanson française, faite main : rien qui puisse désormais trouver acheteur chez les prescripteurs de mode. La mauvaise graine francophone pousse encore ; elle pointe son nez dans quelques jardins rétifs au rouleau compresseur de la mondialisation culturelle.
Alternativement leur.