Nouvelles voies et nouvelles voix pour la chanson

par Henri Masson
lundi 11 septembre 2006

L’un des domaines où l’espéranto connaît une progression assez remarquable est celui de l’usage artistique et de la chanson. Aux États-Unis, le CD produit en 2003 par le trompettiste de jazz Rick Braun montre que le nom esperanto n’entrave en rien le succès.

L’un des domaines où l’espéranto connaît une progression assez remarquable est celui de l’usage artistique et de la chanson. Aux États-Unis, le CD produit en 2003 par le trompettiste de jazz Rick Braun montre que le nom « Esperanto » n’entrave en rien le succès.

Rick Braun avait décrit l’espéranto comme “une langue internationale avec un dictionnaire basé sur des racines communes à de nombreuses langues européennes et sur un système régulé de modulation”. “Esperanto“ a atteint le quatrième rang des dix meilleures ventes aux États-Unis (“top ten”) : http://www.rickbraun.com/ (cliquer sur « Music »).

Un panorama de ce domaine d’application est donné sur http://dmoz.org/World/Esperanto/Kulturo/Muziko/ avec des liens parmi lesquels celui des éditions musicales Vinilkosmo http://www.vinilkosmo.com/ . Leur fondateur, Floreal Martorell, qui a installé ses studios près de Toulouse, a joué un rôle indéniable dans la promotion de cette langue par la production de cassettes, puis de CD, et l’édition du fanzine « Rok’ gazet » lancé en 1990 http://artista.ikso.net/eurokka/rokgaz.php. Un CD de chansons de Georges Brassens interprétées par Jacques Yvart, qui est souvent en tournée aux États-Unis, a justement été produit par Vinilkosmo. Floreal Martorell, qui avait commencé l’apprentissage de l’espéranto en 1987, l’année du centenaire de la langue, a en outre fondé l’association de rock Eurokka http://www.s-w.co.jp/ taon/eurokka/. Vinilkosmo a en outre produit une collection de dix CD pour marquer l’année 2000 et a participé la même année à l’organisation d’un festival culturel et artistique en espéranto à Toulouse.

Au chapitre des records se trouve JoMo (Jean-Marc Leclerc, prononcer yomo) qui s’est lancé dans la chanson en 1977 et dans l’espéranto en 1988. Le groupe qu’il fonda ensuite sous le nom de Rozmariaj Beboj (Les Bébés de Rose-Marie) se fit connaître au début des années 1990 dans les milieux du rock alternatif. Après avoir quitté les Rozmariaj Beboj, il fonda le groupe Liberecanoj (Libertaires). Son nom figure dans l’édition 2000 du Livre Guinness des records pour un concert multilingue de 22 chansons en 22 langues. Son talent, en dépit du silence médiatique, l’a amené à être invité à travers le monde entier, aussi bien en Chine qu’aux États-Unis ou, récemment, en Argentine. Auteur d’une méthode de gascon chez Assimil, Jean-Marc Leclerc a confié à La Dépêche du Midi (14 mai 1997) « J’ai toujours adoré apprendre les langues et, comme l’espéranto était la langue universelle, on ne pouvait pas trouver mieux. J’ai donc commencé par l’apprendre et le pratiquer. C’est une langue qui vous invite aux voyages et, grâce à elle, je suis allé chanter en Catalogne, à Prague, à Copenhague, en Pologne, en Allemagne et je vais aller cet été en Italie. »

Ce sont aussi les éditions musicales Vinilkosmo qui ont produit un CD de Morice Benin, un éventail de poésie anationale (non nationale) sous le titre « La landoj ekzistas ne » (12 chansons). Morice Bénin voit en l’espéranto « la langue de ceux qui espèrent en une citoyenneté planétaire  » : « L’espéranto n’est au service d’aucun nationalisme, d’aucun négoce, d’aucune technocratie, d’aucun dessein politiquement et réalistement correct. C’est cette indépendance-là qui m’attire depuis si longtemps : l’effort initial qu’exige son apprentissage est commun pour tous ceux qui désirent s’y plonger ; sorte de « démocratie originelle » où aucun pouvoir n’est en jeu !. »

Des artistes connus ont compris la valeur et l’intérêt de la langue qui fêtera son 120e anniversaire l’été prochain. Après avoir donné un concert devant des participants venus de 70 pays, lors du Congrès universel d’espéranto qui s’est tenu à Montpellier en 1998, Guy Béart avait déclaré au Dauphiné libéré (9 août 1998) : « Apprendre l’espéranto, c’est faire le pari de la fraternité. Certains amis me disent que ce truc est ringard, que l’anglais a gagné la partie parce que c’est la langue de l’économie. Et comme l’argent est gouverné par les États qui sont gouvernés par les mafias, il faudrait se résigner ? Sûrement pas ! Si le fric domine tout, en gros, c’est la fin de l’humanité. Heureusement, il y a toujours en l’homme un gêne de fraternité. Il y a l’amour et les sentiments, que la langue du pognon ne pourra jamais traduire. Alors, vive l’utopie, vive l’espéranto qui n’a pas d’étiquette politique, pas de religion et qui n’est l’émanation d’aucun pouvoir. »

Salvatore Adamo avait pour sa part donné son sentiment à Femmes d’Aujourd’hui (Bruxelles, 17 mai 1990) : « La langue qui pourrait unir nos pays européens, c’est l’espéranto, langue magique qui allait, selon certains, permettre de se comprendre partout. Cette langue aurait dû être enseignée comme seconde langue aux enfants dès le plus jeune âge : mais il n’en a rien été. Aujourd’hui, l’espéranto se meurt : puisse-t-il un jour reprendre vigueur et, avec lui, l’espoir d’une communication parfaite. » Cette reprise de vigueur espérée par Salvatore Adamo est en cours de réalisation depuis l’apparition et la popularisation d’Internet. Il n’est plus possible de cacher son existence et sa progression, même si certains médias diffusent encore des idées et des préjugés du deuxième millénaire au moyen de techniques du troisième.

Le chant le plus célèbre en espéranto est certes « La Espero » (L’Espoir), poème de Zamenhof qui est devenu l’hymne de la « Langue internationale » (nom d’origine et titre du premier manuel). La musique retenue fut celle composée par le baron Félicien Menu-de-Ménil, né à Boulogne-sur-Mer. Depuis la parution du premier manuel d’espéranto (Varsovie, 1887) jusqu’en 1911, environ 300 publications diverses de chansons avaient déjà vu le jour. Le premier recueil international de chants de W. de Fries parut en seconde édition en 1913.

Aujourd’hui, le nombre de chanteurs, de groupes, et aussi de chorales (notamment en Ariège et dans les Côtes d’Armor) qui ont choisi cette langue en plus de la leur, de l’anglais ou d’une autre, ou comme seule langue pour la chanson, est en nette augmentation.

 Outre les noms cités, parmi les groupes ou chanteurs existants, les plus connus sont Akordo (groupe de sept chanteurs néerlandais), Akvarium (rock, Russie), Amplifiki (Scandinavie), Asorti ( Lituanie), Diverslingve (pop, Suède), Flávio Fonseca (Brésil), Gunnar R. Fischer (Allemagne, natif espérantophone), Harry’s Freilach (Berlin ), Ĵ. Dan & B. Hor (France), Kore (groupe de rock, Nantes), Krio de Morto (groupe polonais de métal rock), Otherwise Orange (Houston, EUA, rock alternatif), Persone (Suède), Piĉismo (Ukraine), Roĝer Borĝes (Brésil), Solotronik (Espagne), Thierry Faverial (France, Dordogne), Trattbandet (Suède, traditionnel), Vajas (Norvège), Dolchamar (Finlande ),Ĵomart et Nataŝa (Kazakhstan, vivant en Suède)...

Enfin, les sites de Mylène Farmer et de Kate Ryan comportent quelques pages en espéranto. Cette liste n’est pas exhaustive. Une présentation plus détaillée de ces artistes est accessible via le site de référencement DMOZ


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