Ondes symphoniques dans le progressif italien
par Bernard Dugué
mercredi 11 juillet 2018
Les années se suivent et le rock progressif n’est pas prêt de s’éteindre malgré une faible visibilité dans les médias de masse. Peut-être comprendrons-nous que l’Internet a permis de sauver les pratiques artistiques alternatives en offrant une audience méritée à tous des groupes dont le point commun est de savoir jouer parfaitement de la musique et surtout de la composer, ce qui est essentiel en la matière. Quelques maisons de disques sont spécialisées dans le prog ainsi que d’autres genres plus ou moins obscurs. Le label Black Widow basé à Gênes vient de sortir des derniers mois plusieurs disques dont l’écoute se révèle évidente.
Hollowscene est une formation de rock symphonique créée en 1990 à l’initiative du guitariste Andrea Massimo et du claviériste Lilo Cicala. Le groupe alors baptisé Banaau jouait un rock progressif inspiré par Genesis et Steve Hackett, avec des textes inspirés par TS Eliot ou E Poe. Avec des longs morceaux qui n’ont pas eu de succès si bien que la formation a éclaté et que le duo s’en est allé pour continuer l’aventure en participant à divers projets. Il y a quelques années, le concept de départ a été revu, avec un nouveau nom de scène et une line-up élargie à huit instrumentistes. Au quintet basique du rock ont été ajoutés un guitariste et un claviériste ainsi qu’une flûtiste. Le groupe vient de sortir enfin un album, Broken Coriolanus, comprenant cinq morceaux nouvellement composés et inspirés par la tragédie de Shakespeare, Coriolan. Deux titres bonus ont été ajoutés. Worm composé en 1990 et retravaillé puis une reprise d’un titre figurant sur le premier album de Gentle Giant.
La musique proposée par Hollowscene s’inscrit dans un registre à tendance néo-prog, avec un côté symphonique marqué dû aux deux claviers superposant leurs nappes sonores et jouant de concert avec les parties de flûte. Les musiciens envoient dès le début, ambiance néo-prog à la IQ puis intimisme à la Hackett. Les mélomanes seront séduits par la voix du chanteur qui rappelle celle de Morrissey des Smith avec lesquels on trouve des connivences mais les parties de synthé et d’orgue mettent rapidement les choses au point. Cette musique riche et dense tranche avec le pop rock entendu pendant des décennies sur les radios FM. Le second morceau poursuit cette quête intimiste, symphonique avec un travail accompli dans la composition des mélodies. Subtiles effusions de piano et flûte. Pour les connaisseurs du prog italien, on note aussi quelques réminiscences sonores évoquant Alex Carpani. Une musique profonde et dense imprégnée d’une mélancolie surmontée ainsi qu’une radieuse tristesse. Rien de plus à signaler si ce n’est la triple pochette cartonnée dans laquelle est livrée ce CD qui devrait figurer dans le top 20 des albums prog en 2018.
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C’est un style très différent que nous invite à écouter la formation « una stagione all’ inferno », autrement dit une saison en enfer, en référence au poème de Rimbaud. Le groupe fut formé à la fin des années 90 autour d’une collaboration entre le chanteur guitariste Fabio Nicolazzo issu de la scène gothique génoise et la claviériste Laura Menighetti de formation classique. La formation peine à s’organiser et faire aboutir son projet de concept album pensé dans les années 2010.
Par la suite, d’autres musiciens ont rejoint le duo, notamment Roberto Tiranti, chanteur et bassiste de Mangala Valis, ainsi que d’autres musiciens de la scène rock alternative, accompagnés d’un trio de cordes ce qui conduit à une line-up comprenant pas moins de neuf instrumentistes dont un saxophone sévissant dès les premières notes jouées, conférant à l’ensemble un style très hétéroclite alternant entre fusion, mélodies sombres, arabesques symphoniques et même quelques effusions timidement gothiques. Le saxophone évoque également des thèmes joués par Van der Gaaf. Le troisième morceau est significatif de ce style et commence par un facétieux piano secondé par une basse lancinante pour accueillir une guitare progressive puis un chant pénétré de gravité avec quelques consonances traduisant la désespérance. Puis le tempo s’accélère, la musique se distord et part dans plusieurs directions.
Le titre de ce CD, Il mostro di Firenze, fait allusion à d’horribles faits divers commis en Toscane dans les années 80. L’étrange atmosphère de cet événement est habilement traduite par cet ensemble rock à l’exécution généreuse n’hésitant pas à revenir au grand style des seventies et d’un lyrisme auquel les Italiens nous ont habitués depuis des décennies. Le CD est disponible depuis mai 2018 chez Black Widow.