« Par les Villages » selon Peter Handke, avec Stanislas Nordey, Emmanuelle Béart…
par Theothea.com
mardi 26 novembre 2013
A ce jour, le voyage des comédiens par les villages entame la dernière phase de son aventure à la Colline.
Bientôt leur pérégrination à travers la campagne hexagonale les emmènera, selon des cycles successifs de 2 ou 3 soirées par étape, à déclamer le long et puissant poème de Peter Handke dans un souffle continu où le relais solidaire est, nécessairement, la condition sine qua non de cette représentation fleuve.
En effet, à raison de 4 heures de spectacle avec entracte, les dix comédiens s’engagent, à chaque fois, dans un véritable marathon où la performance de l’un appelle inexorablement celle de l’autre et ainsi de suite, avec en sorte de bouquet final, l’immense plaidoyer en faveur d’un monde harmonieusement humain.
Dans la cour d’honneur du 67ème Festival d’Avignon, c’était Jeanne Balibar qui était en charge de ce manifeste idéaliste, sans toutefois parvenir à fédérer l’ensemble du public derrière sa prestation.
Désormais, pour la tournée débutant en novembre à Paris un mois durant, c’est Claire Ingrid Cottanceau qui porte cette parole à la fois magnifique et pragmatique jusqu’à la rendre emblématique de ce spectacle vivant, initié et porté par Stanislas Nordey.
Celui-ci, en acteur à part entière, emporte la palme du charisme, en une interprétation tellement théâtrale de son propre monologue qu’il pourrait sembler qu’en cet instant privilégié, les dix fussent à même de s’incarner en une entité concomitante.
Mais bien sûr que nenni, puisqu’il n’est pas question que ceux-ci se chevauchent mais qu’au contraire, ce soit la dialectique à grande échelle qui soit la grande victorieuse de cet exploit en commun.
En miroir donc à Stanislas Nordey acteur, c’est Laurent Sauvage, présentement son frère de scène, qui lui renvoie l’exact réplique à l’envers, sur le mode rat des villes contre rat des champs, de ce qui pourrait être le reflet manichéiste de nos sociétés contemporaines.
En porte-drapeau des salariés victimes du grand capital, ne cherchez pas mieux qu’Annie Mercier se lançant dans des diatribes enflammées où, étrangement comme sortant d’outre-tombe, la tonalité et le débit impliqués ne seraient pas sans rappeler la voix récemment disparue de Bernadette Lafont.
Et puis, comme en contrepoint de la sagesse recouvrée avec le grand âge, c’est la propre mère de Stanislas, Véronique Nordey qui se coltinera avec brio aux forces nostalgiques dans le meilleur des cas, voire passéistes dans le pire, selon le point de vue de l’interlocuteur en place !
Bien entendu, il faudrait une star pour sublimer l’épopée au-delà des monts et des mers mais c’est précisément en adoptant, a contrario, le profil bas que l’actrice se transformera en anti-héroïne de circonstances !
Qui de mieux, alors, qu’Emmanuelle Béart pour symboliser, aux yeux de tous, la sœur partagée entre les deux frères que tout oppose de manière socioculturelle ?
Oui, la saga épique de Peter Handke a bien trouvé chez Stanislas, l’écho tellurique des forces de l’inconscient, qu’il est fort judicieux d’illustrer par la parole métaphorique.
Que celle-ci puisse prolonger son cheminement par les villages, voilà bien le projet ambitieux que le spectacle vivant soit en mesure de défier… à taille tellement humaine !
photos © Elisabeth Carrechio
PAR LES VILLAGES - **** Theothea.com - de Peter Handke - mise en scène Stanislas Nordey - avec Emmanuelle Béart, Claire ingrid Cottanceau, Raoul Fernandez, Moanda Daddy Kamono, Olivier Mellano, Annie Mercier, Stanislas Nordey, Véronique Nordey, Laurent Sauvage, Richard Sammut ou Zaccharie Dor en alternance & Cosmo Giros - Théâtre de La Colline
- PAR LES VILLAGES
- photo © Elisabeth Carrechio