« Père » d’August Strindberg, au Théâtre de la Colline

par Theothea.com
lundi 3 avril 2006

De Nada Strancar à Johan Leysen circule à vitesse lancinante le venin qui va transformer inexorablement le couple en machine à détruire les illusions projetées de l’un à l’autre.

Ainsi la paternité va devenir un concept ravageur quand il s’agira d’en faire une arme de guerre qui distillera en obsessions à doses progressives, la reconnaissance ontologique se diluant sous le regard implacable de la génitrice.

Mais d’où vient ce doute qui s’insinue dans tous les pores de la conscience de soi et pour lequel le père n’est déjà plus en mesure de contrôler l’évolution insidieuse ?

En montrant les stigmates d’une souffrance décontenancée à faire table rase du besoin de certitude absolue, le visage de la paranoïa s’esquisse en profil d’une impossibilité d’adaptation à la relativité du monde sensible.

Si Bertha se présente ici comme l’enjeu du conflit parental, c’est que le Capitaine et son épouse Laura n’ont plus d’autre valeur en commun à défendre que l’avenir de leur fille.

Mais c’est surtout que la perversité s’est subsistuée au lien conjugal, à l’instar d’un jeu d’adultes qui cultiverait l’indécence pour perpétuer le goût des intensités perdues.

Du bourreau à la victime, des règles de bienséance vont s’établir tacitement laissant constamment à l’un et à l’autre la libre acceptation d’une partition imputée à laquelle, de fait, ils ne semblent pouvoir échapper.

Loin d’une guerre des sexes caricaturale ou d’une misogynie réductrice, Christian Schiaretti rend à Strindberg le luxe de l’indifférenciation en faisant ployer mari et femme sous le poids d’un étau psychique se refermant inéluctablement sur leurs rôles existentiels.

La scénographie de Renaud de Fontainieu avec l’appui des lumières verdâtres de Julia Grand suscitent une sensation d’oppression communicative en rétrécissant peu à peu le champ vital jusqu’à laisser le soin à Margret, la nourrice (Isabelle Sadoyan), de passer la camisole de forces à la victime expiatoire.

De cet espace mental contraint par la haine de soi pourraient s’élever les signes avant-coureurs d’un transgression salvatrice.

Photo © Christian Ganet

PERE - **** Theothea.com - d’August Strindberg - mise en scène : Christian Schiaretti - avec Olivier Borle, Gilles Fisseau, Johan Leysen, David Mambouch, Jérôme Quintard, Isabelle Sadoyan, Nada Strancar, Ruth Vega Fernandez - Théâtre de la Colline -


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