Philip Roth suspend sa plume
par Xavier Roffi
lundi 26 novembre 2012
L'un des plus grands auteurs américains a confirmé au New-York Times, la semaine dernière, une information qu'il avait déjà livré aux Inrocks, début Novembre : il en a fini avec la littérature.
A 80 ans, et fort de ses 31 livres, ce monument de la littérature américaine a décidé d'arrêter d 'écrire de la fiction. Némésis aura donc été le dernier livre d'un auteur injustement oublié par le Nobel de littérature, qui avoue volontiers s'endormir lorsqu'on parle philosophie, et qui éprouve désormais une sorte d'aversion pour la fiction : « je ne veux plus en lire, plus en écrire, et je ne veux même plus en parler » a-t-il même confié aux Inrocks. Philip Roth nous laisse donc tous orphelins tant « l’idée d’affronter encore une fois l’écriture [lui] est impossible ! » Il faut le comprendre car, pour lui, écrire un livre relève de l'obsession flaubertienne : « Écrire, c’est être frustré : on passe son temps à écrire le mauvais mot, la mauvaise phrase, la mauvaise histoire. On se trompe sans cesse, on échoue sans cesse, et on doit vivre ainsi dans une frustration perpétuelle. » Et, lorsque Hermione Lee, de Paris Review, demande à Roth comment s'organise la rédaction de ses romans, ce dernier évoque alors trois phases : un début affreux, qui laisse place à une écriture en roue libre puis, arrivent les crises qui le mènent à se retourner contre la matière sur laquelle il écrit et même, à haïr le livre. Plongeant encore plus l'exercice dans une souffrance certaine.
Usé, lassé. C'est donc l'état dans lequel l'américain ce trouve désormais face à la littérature. Volontiers critique sur son œuvre, il nous laissera pourtant un ultime témoignage, mais pas sous sa plume. Il avoue avoir confié à Blake Bailey l'écriture de sa biographie, lui qui avait déjà fait preuve de son talent pour celle du mystérieux John Cheever.
« Si j’avais pu faire quelque chose de mieux [qu'être écrivain], croyez-moi, je l’aurais fait volontiers ! » C'est ainsi que Philip Roth s 'excuse de nous avoir gratifié de plusieurs ouvrages majeurs. Quel bonheur, pour nous, qu'il n'aie jamais « pu faire quelque chose de mieux » !