Plug anal McCarthy : l’art est-il une norme bourgeoise incontestable ?

par joséjo
vendredi 24 octobre 2014

Pour la survie de l’art comme provocateur de questions et d’ouverture d’esprit

Dans une interview de Paris Match, Paul McCarthy explicite clairement ses intentions :

L’artiste : (…) je tenais aussi à sortir dehors, c’est pour cela que j’ai également installé un immense objet gonflable [un arbre géant] place Vendôme. Je voulais marquer Paris d’une image forte.

P.M : Vous voulez montrer l’ironie du monde dans lequel nous vivons  ?

L’artiste : Pas seulement. Ce qui m’intéresse ici précisément, c’est ­d’investir un bâtiment mythique, qui possède une histoire, qui évoque le passé grandiloquent de la France, sa fierté aussi.

Comment peut-on interpréter d’ériger un plug anal au centre d’une place qui « possède une histoire, qui évoque le passé grandiloquent de la France, sa fierté aussi » ? De beaucoup de manières, dont une serait littéralement d’enculer la fierté d’un pays. Point de vue que je trouve personnellement drôle, provocatrice et osée. Mais qu’on ne s’étonne pas si d’autres ne partagent pas ce point de vue, tout pays ayant ses conservateurs et patriotes.

Tout comme la directrice de la FIAC, beaucoup sont déçus du « manque d’ouverture et de réflexion » du grand public. Cependant ce qui déçoit encore plus est le manque d’ouverture de l’artiste et des autres représentants de l’ouverture d’esprit qu’incarne l’art contemporain.

Paul Mc Carthy refuse de réinstaller sa sculpture, en regrettant qu’il y ait eu acte de violence au lieu de discussion. "I am not interested in the possibility of such confrontation and physical violence, or continuing to put those around the object at risk." (artnet News) Pourquoi qualifier de “violence” cette réaction ? A-t-il choisit le mode d’expression de la discussion ? Non, il a choisi une sorte d’acte de violence, qu’est simplement de « faire » (nous aimons l’art comme acte de violence). Un plug anal dans une place historique est symboliquement violente, même si tempéré par la métaphore du sapin de noël, et c’est là entre autre que réside la beauté de cette œuvre. Alors pourquoi qualifier de violence un acte tout aussi valable et qui répond formellement à son acte ? Ne me dites pas que c’est sa célébrité qui fait son art et l’incontestabilité de cette dernière ! Il est étonnant qu’il soit déçu par ce qu’il fait lui-même.

La réplique la plus abrutie ayant été énoncée par la BBC : « Le principe de la liberté de l'art a été attaqué ». Mais pour que la liberté de l’art existe faudrait-il encore respecter la liberté des réactions des spectateurs. La liberté de l’art serait-elle de s’imposer partout en interdisant les réactions ? Et puis soyons extrêmes, pourquoi le dégonflement de l’objet ne serait-ce pas une performance artistique après tout ? Parce qu’il n’y a pas de nom célèbre derrière ? Parce que le point de vue appartient à des conservateurs extrémistes et non à une norme bourgeoise cultivée ?

Les autres street-artistes et les net-artistes sont-ils blessés dans leurs egos lorsqu’une de leurs « œuvres » sont rayées ou critiquées ? Toute la beauté de ces deux courants artistiques dont j’en fais partie réside dans l’interaction sociale et urbaine. Si on choisit le lieu public ou net comme lieu d’expression au lieu d’une galerie privée, c’est bien pour provoquer les passants et leurs réactions.

L’art est-il devenu une norme bourgeoise, évidente et incontestable ? Je pense que nous sommes nombreux à vouloir qu’il reste dérangeant et provocateur de questions. Il semble donc normal d’aller dans le même sens et d’accepter les réactions des spectateurs.

Il serait dommage que l’artiste contemporain soit seulement une « star » au lieu d’un penseur.


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