Polnareff, āme cāline

par Phileas
lundi 19 mars 2007

Michel Polnareff s’est retrouvé à Bercy devant 150 000 fans.

Il n’était sûrement pas évident de faire renaître un tel mythe de l’intérieur, lorsque quelqu’un vous a échappé depuis si longtemps. Se regarder dans la glace, ne pas se reconnaître, s’observer avec étrangeté ou compassion, presque incrédule à l’idée d’avoir incarné une telle légende quelque part dans le temps.
Puis, la jeunesse de la peau, le visage lisse, disparus eux aussi ; des années, enfermé dans la solitude d’une enveloppe vide. La difficulté supplémentaire du masque à surmonter.

Perdu dans un L.A. même pas hostile, juste indifférent à un inconnu qui déambule sur de grands trottoirs poussiéreux, qui fréquente les salles de gym lorsque le moral est au beau fixe et les bars glauques dans lesquels il se noie, lorsque les idées noires ressurgissent.
La sécheresse artistique d’un grand piano noir, devenu meuble poussiéreux, dont chacune des notes sonne comme des larmes de verre.
Une lettre à France pour seul testament.

Puis des envies de revenir. Des désirs fous de redevenir, toujours reportés à plus tard.
Une première tentative et quelques gaudrioles qui font encore plus mal après.
La colère de découvrir qu’on vous a piqué votre voix, le phrasé de votre piano le temps d’une chanson qui aurait pu être la vôtre.

Des années passent, encore, toujours et plus vite, qui l’éloignent de la rive : l’amiral a déserté définitivement son bateau.


Puis un matin, une sorte de sérénité s’installe. Il croit que c’est l’âge, une sorte de sagesse. Il se dit finalement qu’il est un survivant heureux qui vit bien des subsides de la Sacem. Michel a fini par se faire une raison.
Mais la sensation est trop légère pour être de la résignation, trop aérienne. La conjonction d’évènements heureux le porte davantage. Il a enfin fait la paix avec lui-même. Il a lâché prise. Ses anciens tourments ont disparus. Il sent comme un frémissement. Il n’a plus peur. Un rêve s’élève de nouveau devant lui, à sa portée. Il suffit d’un effort, d’un peu de courage pour qu’il se transforme en réalité.


De l’autre côté de l’Atlantique, la nostalgie traverse l’époque. Des chanteurs morts, magnifiés par leur disparition, sont l’objet d’hommages télévisuels successifs qui se déclinent jusqu’à la nausée.
Deux comédies très réussies Podium et Jean-Philippe posent avec humour les seules questions qui vaillent : Y a t-il une vie pour soi-même lorsqu’on est « fan de » ? Ou l’angoissante question : Et si Johnny n’avait jamais existé ?

Il passe quelques coups de fil et réunit les fidèles, ceux qui ont toujours cru en lui, même lorsque tout le monde le disait fini ou ingérable. Il leur dit qu’il est prêt. Qu’il ira jusqu’au bout cette fois-ci.
Maniaque et travailleur, il prépare son retour, dans l’ombre. Il sait qu’on l’attend au tournant, choisit ses musiciens avec méticulosité, comme à ses débuts.

Sans trop se poser de questions, Il a remis les gants et attend que le rideau s’ouvre.

Imaginez un instant que l’on vous annonce que celui que vous croyiez mort réapparaisse sous vos yeux, un soir, le temps d’un concert. Cette fabuleuse impression de remonter le temps et d’assister au miracle.
Sous un planétarium est suspendue une grosse paire de lunettes blanches. Le rideau s’est levé. Il est là, impeccable. Un peu épaissi. Il a conservé ses trois octaves, son charisme, sa légèreté et sa finesse. Ce mélange de timidité et de mégalomanie. On le sent touché d’être à nouveau en France, qu’il retrouve comme on retrouverait sa première fiancée.
L’artiste s’est reconstruit.

Etrangement, il pense à son père. Il est ému. Mais il sent que ceux qui lui font face le sont encore plus que lui, qu’ils ont le trac pour lui, sont prêts à tout lui pardonner : cette belle histoire d’amour dont parlait Barbara...


Ce fut un moment magique, étrange et merveilleux. Un fil qui se renoue naturellement.
Lorsqu’il s’est mis au piano, on s’est dit qu’on était privilégiés, les témoins d’un moment rare, d’une réincarnation païenne.
Michel a retrouvé Polnareff, intact et mythique et c’est à Paris que le miracle a eu lieu.


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