Ugetsu Monogatari ?
Traduisez : Les Contes de la lune vague après la pluie, a donc été
créé en 1953 par Kenji Mizogushi. C’est un pur chef-d’œuvre. Incontestablement l’un des dix meilleurs film du siècle dernier.
Tiré de deux nouvelles du recueil du même nom d’Akinari Ueda (publié en
1776), ce film dépeint le destin de deux personnages et de leur
épouse, en plein japon féodal.
Vivant simplement, Genjuro et Tobei vont tout abandonner à cause d’une ambition démesurée. Gendjuro est un simple potier, mais sa volonté de vouloir gagner plus d’argent va le pousser à partir s’installer en ville, tant dit que Tobei lui rêve de devenir samouraï,
ce qu’il fera en laissant derrière lui, tout comme Genjuro, femme et
enfant, pour vivre une piètre aventure. Ces deux hommes découvriront à
leurs dépens, que la vie, les guerres, la société et les hommes sont
féroces et que seul le foyer ou l’amour peuvent leur offrir une chance
de salut... Ce parcours initiatique va pousser ces hommes à affronter leurs propres peurs et à créer leurs propres valeurs.
Sur cette base, Kenji Mizogushi va amener le spectateur à voyager, à ressentir, à goûter aux saveurs subtiles de l’esthétisme japonais, à la rythmique douce et lente comme une caresse au travail subtil du grain et du cadre fantasmagorique. Il nous montre avec une pudeur étonnante les violences de l’homme, de la guerre, de la vanité,
et nous amène tout de suite après dans un univers fantastique où la
sensualité est reine. Ce film est un vrai puzzle, comme si chaque
pièce devait contenir une beauté individuelle et que réunies celles-ci
formeraient un tout encore plus magnifique. L’esthétisme de ce film est donc irréprochable.
Le travail des lumières est ahurissant
car on y retrouve de façon cinématographique le travail du clair-obscur des peintres hollandais (amenant à découvrir, même après
plusieurs projections, de nouveaux détails). Les contrastes des noirs
profonds et des blancs surexposés amène encore plus loin dans le côté
fantastique et étrange de certains passages (au début du film, la
navigation en barque sur un lac embrumé). Ces contrastes marquent aussi
très bien le visage des comédiens qui deviennent des personnages
étranges. On est proche du théâtre kabuki.
Ce qui est impressionnant aussi, c’est de voir à quelle vitesse le spectateur passe de situations de vie normales aux univers fantastiques
sans transition, comme si Mizogushi rendait au fur et à mesure du film
réel ce qui est immatériel. Il crée des passages entre les hommes, mais
aussi entre les morts, entre l’image et le jeu, entre le cadre et le
son, mais aussi entre le visible et l’invisible. C’est pour toutes ces
raisons que nous vous conseillons de vous trouver au plus vite une
version d’Ugetsu Monogatari et profitez un maximum de ce qu’il
apporte : du DE-PAY-SEMENT !
Kenji Mizoguchi comme réalisateur :
La Rue de la honte (1956), L’Impératrice Yang Kwei Fei (1955), Le Héros
sacrilège (1955), Une femme dont on parle (1954), Les Amants crucifiés
(1954), L’Intendant Sansho (1954), Les Musiciens de Gion (1953), Les
Contes de la lune vague après la pluie (1953, La Vie d’Oharu, femme
galante (1952), Miss Oyu (1951), La Dame de Musashino (1951),
Mademoiselle Oyu (1951), Le Destin de Mme Yuki (1950), Flamme de mon
amour (1949), Les Femmes de la nuit (1948), L’Amour de l’actrice Sumako
(1947), La Victoire des femmes (1946), Cinq femmes autour d’Utamaro
(1946), L’Epée de Bijomaru (1945) Musashi Miyamoto (1944), Les 47 Ronins (1941), Conte des chrysanthèmes tardifs (1939), L’Impasse de
l’amour et de la haine (1937), Les Sœurs de Gion (1936), L’Elégie
d’Osaka (1936), La Cigogne en papier (1935), Oyuki la vierge (1935),
Les Coquelicots (1935), Le Fil blanc de la cascade (1933), Le Pays natal
(1930), La Chanson du pays natal (1925).
Kenji Mizoguchi comme scénariste
: La Vie d’Oharu, femme galante (1952), L’Impasse de l’amour et de la
haine (1937), Les Sœurs de Gion (1936), L’Elégie d’Osaka (1936).
Article de Farid Ayelem pour www.radiobistrot.com