Pourquoi je suis passée au livre numérique

par Monolecte
vendredi 21 mars 2014

J’ai tellement lu qu’à moment donné, je me suis dit que je n’allais pas faire entrer un livre de plus dans la maison.

La librairie indépendante Caractères à Mont-de-Marsan

J’ai gardé l’amour du beau papier, du parfum de l’encre, de ce genre de choses, même si beaucoup d’éditeurs font de moins en moins d’efforts sur ces chapitres qualitatifs. J’étais donc extrêmement dubitative quant à l’intérêt du numérique. Ayant franchi le pas il y a un an et ayant testé la plupart des possibilités offertes par ce support, je suis aujourd’hui une utilisatrice régulière et convaincue. Je trouve cela infiniment pratique et agréable même si je déplore l’abominable mauvaise politique éditoriale en France sur le numérique, du niveau des conneries déjà faites pour la musique et les films : un catalogue pourri et le fait de traiter les clients comme des délinquants avec des verrous partout.

Tout nouveau livre devrait sortir en format numérique : quel éditeur ne le travaille pas en format texte ? C’est donc un choix délibéré de ne pas le faire, ou de le faire mal et de réussir à parfois commercialiser les titres numériques plus chers que le papier. Le problème, c’est l’offre. Mais les éditeurs devraient arrêter de jouer ce jeu-là, parce que de plus en plus d’auteurs choisissent délibérément de sortir directement en numérique en se passant des contrats léonins qui caractérisent la profession.

Sur l’usage : ça change littéralement la vie !

Les liseuses (je ne parle pas des tablettes, on reste bien d’accord) sont aujourd’hui de très bonne facture. La technologie e-link permet un confort de lecture équivalent à celui d’un livre (ce qui n’est pas le cas d’une tablette). Les dernières générations ajoutent la lumière intégrée et j’ai pété ma tirelire pour pouvoir lire partout, dans toutes les conditions, sans emmerder personne avec ma lumière ou sans être emmerdée à chercher une loupiote pour éclairer mes pages. Rien que ça, c’est merveilleux.

Sur le confort pur de lecture :
On peut changer à sa guise la taille des caractères : on adapte le texte à sa lecture. Si l’on est bigleux, plus besoin de loucher, on agrandit. Si l’on déteste changer de ligne toutes les secondes façon Bibliothèque Rose, on diminue. Ou on joue sur la taille des marges. Sur beaucoup de modèles, on peut changer la typo selon son confort de lecture. On peut même parfois ajouter les siennes !
Même pour le pavé de l’été, la taille et l’encombrement sont constants et très bien adaptés à une main standard. Finit de s’éclater les pouces à tenter de garder un bottin ouvert malgré lui. Très bien au lit où on peut caler l’ouvrage sur les genoux et garder les doigts au chaud sous la couette.

On ne perd jamais sa page. Même et surtout si l’on lit plusieurs livres à la fois. Les liseuses se souviennent systématiquement de l’endroit où vous vous trouvez pour chaque livre ouvert. Vous pouvez marquer les pages sans les corner, récupérer des portions de textes, souligner, surligner, annoter, sans pourrir le support. Vous pouvez visualiser la liste de vos notes, extraits, commentaires. Vous pouvez lancer des recherches dans les livres, les notes… Cela dit, j’aurais aimé que les fabricants de liseuses pensent à l’export facile de nos notes, pour une intégration directe dans Zotero, pour les besoins des rats de bibliothèque.

Quand vous vous déplacez, vous pouvez le faire avec l’intégralité de votre bibliothèque. Vous ne devez plus choisir, dans votre valise, entre la trousse de toilette et vos lectures du moment. Pas de supplément bagage. Comme ça ne tient pas de place, vous pouvez trainer votre liseuse partout : fini Madame Figaro dans la salle d’attente du médecin, vous pouvez même vous offrir le luxe de lire en bivouac (quiconque fait de la montagne ou de la rando sait que la question du poids fait qu’on n’emmène pas de livres… maintenant, oui, on peut). Et c’est d’autant plus vrai qu’une bonne liseuse tient entre 15 jours et un mois en autonomie, question énergie…

Avec un modèle non-propriétaire (qui ne restreint pas les formats lisibles) et l’aide du logiciel libre Calibre, vous pouvez même transformer des sites, blogs ou pages Internet en livre numérique à lire tranquillement hors ligne, dans vos toilettes, votre hamac, n’importe où, en fait.
Un mot pour Calibre, logiciel de gestion de bibliothèque qui vous permet de vous y retrouver, d’indexer, noter, chercher par auteur, série, langue… ce que vous voulez. Pour un peu, ça me rendrait ordonnée. Sans compter que l’on peut facilement convertir nos livres d’un format à l’autre, ce qui est fort pratique quand on doit faire circuler un ouvrage entre plusieurs supports. Et vous apprenez aussi à bien tenir une base de données : on rempli les bons champs au bon endroit et on retrouve absolument tout.

Bref, sans les conneries de DRM des éditeurs et leur politique de pissefroids allergiques au changement, ce serait parfait.
Il y a aussi la mauvaise volonté puante des journaux et magasines français qui couinent à longueur de temps qu’ils n’ont plus de lecteurs, mais qui n’offrent aucune solution d’abonnement pour les liseuses comme cela se fait couramment aux USA, par exemple. À noter que Le Monde Diplomatique a lancé un abonnement numérique où l’on peut télécharger le numéro du mois en format EPUB, mais je trouve parfois le formatage mal adapté au support.

Notons quand même quelques maisons d’édition un peu moins conservatrices que les autres, comme L’Atalante ou Au Diable Vauvert qui commercialisent pratiquement l’intégralité de leurs catalogues en numérique sans DRM et à des prix pas franchement délirants (même si…).

Le seul truc que je trouve limite, c’est que pratiquement personne n’a pensé à comment on peut offrir un livre numérique, en cadeau, dans l’offre légale. Il semble qu’Amazon bosse dessus… et c’est bien dommage de leur laisser encore une longueur d’avance.
J’ai commencé avec le Kobo Mini. Pour le prix, c’était un petit risque et, surtout, il respecte les standards et les formats ouverts comme l’EPUB. Je l’ai reconfiguré pour l’offrir à mon père.
Parce que j’ai compris l’intérêt de la lumière pour être totalement libre de lire partout, j’ai opté pour le PocketBook Touch Lux. Je l’ai choisi parce qu’il n’est lié à aucune librairie en ligne et qu’il accepte un grand nombre de formats de fichiers. Je peux même lire des documents persos (même si je dispose de plusieurs logiciels à créer des ebooks). Très bonne qualité d’écran, nettement meilleur que le Kobo Mini, mais ce n’est pas la même chose. Il est très réglable, très personnalisable et j’aime les choses que je peux paramétrer à ma façon.
Je l’ai pris chez Décitre, librairie mixte papier/ebook et surtout indépendante, fonctionnant dans un réseau de libraires indépendants.
C’est important, l’indépendance.

Bref, je suis très convaincue des nombreux avantages du livre numérique, mais, manifestement, ce n’est pas le cas des professionnels de la profession qui freinent des quatre fers contre cette évolution avec leur offre rachitique et dont les prix exubérants sont carrément risibles au regard des économies d’échelle pourtant réalisées sur ce type de support.

Pourquoi ne pas systématiser la sortie du format numérique pour tous les nouveaux ouvrages ?
Pourquoi ne pas éditer en numérique les livres épuisés, ce qui satisferait pas mal de monde sans couter un bras ?
Sur des marchés de niche comme les ouvrages professionnels, les essais pointus, les trucs universitaires un peu chiants à 100 acheteurs par impression, pourquoi ne pas opter pour le numérique ? D’ailleurs, comment expliquer la pauvreté des catalogues sur les bouquins un peu pointus. Je tuerai pour l’œuvre complète de Illich en EPUB.

Pourquoi, surtout, maintenir les DRM alors qu’ils gênent essentiellement les clients honnêtes et rendent inaccessibles les livres pour les Linuxiens dont je fais partie (alors qu’il existe une multitude de tutos en ligne pour expliquer aux gentils windowsiens comment péter le verrou d’Adobe) ?

Un dernier mot pour nos amis libraires.

J’ai toujours aimé trainer dans les librairies. Je devais filer ma carte bleue à un ami incorruptible avant d’entrer chez Ombres Blanches à Toulouse, tellement l’offre était affolante. J’aime toujours cela et j’aimerais qu’il existe des solutions pour pouvoir acheter aux petits libraires que l’on visite l’équivalent numérique du livre papier que je tiens dans ma main, voire, soyons fou, avoir un combo des deux pour ceux qui veulent remplir leurs rayonnages privés tout en gardant la possibilité de récupérer de larges extraits de texte pour les besoins bibliographiques de Zotéro. Il est vrai que, maintenant, il n’y a plus beaucoup de librairies dans mon coin. Celle du village a brulé il y a quelques années et n’a pas été remplacée. Beaucoup de libraires ont transformé leur magasin en lieux de rencontres et de partages et j’aimerais que cela puisse se marier avec la lecture numérique.

Après, je ne cherche à convaincre personne, mais, pour ma part, c’est une évolution que j’ai fini par apprécier après m’être longuement méfiée du côté technologique de la chose.


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