Printemps des poètes : Antoine Pol, « Les Passantes »

par Voris : compte fermé
mardi 3 mars 2009

L’un des grands regrets de Georges Brassens fut de n’avoir pas pu rencontrer Antoine Pol. Brassens avait contacté le poète pour lui demander l’autorisation de mettre son poème "Les Passantes" en musique. Le poète accepta mais mourut une semaine avant la date de la rencontre ! Antoine Pol ne figure pas dans les anthologies, mais son superbe texte "Les Passantes "est devenu mondialement connu.

Antoine POL était né à Douai le 23 août 1888. Il est mort à Seine Port le 21 juin 1971. Entre ces deux dates, que dire ? Capitaine d’artillerie, il combat pendant la guerre de 14-18, il devient industriel ensuite et ce n’est qu’à sa retraite, en 1959, qu’il se consacra pleinement à la poésie.

Mais...Antoine Pol est connu pour un poème : "Les Passantes". Ce poème fit à lui seul sa notoriété à la veille de son trépas. Ce très beau poème ne nous serait peut-être jamais parvenu si Georges Brassens ne l’avait déniché un jour de 1947 au marché aux puces. Il est tiré des "Emotions poétiques", écrit par Antoine Pol en 1913.

Dès lors, Brassens aura le coup de foudre pour ce poème. Il mettra des années à peaufiner la musique la mieux adaptée au texte. Après des années de tests, il finira par trouver une musique et chantera le texte pour la première fois à Bobino en 1972. Les Passantes était la chanson "de Brassens" que préférait Lino Ventura. D’ailleurs, lors d’un Grand échiquier en 1979, l’acteur demanda à Brassens de l’interpréter bien que ce n’était pas prévu. Voir la vidéo ici.



Ce texte magnifique mis en musique qui éblouit Brassens par sa simplicité et sa force d’évocation, le voici tel qu’il fut adapté (une strophe supprimée) pour la chanson de Brassens enregistrée en octobre 1972 :

Les Passantes (version Brassens) :

"Je veux dédier ce poème
A toutes les femmes qu’on aime
Pendant quelques instants secrets,
A celles qu’on connaît à peine,
Qu’un destin différent entraîne
Et qu’on ne retrouve jamais.

A celle qu’on voit apparaître
Une seconde, à sa fenêtre
Et qui, preste, s’évanouit,
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu’on en demeure épanoui.

A la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin ;


Qu’on est seul peut-être à comprendre,
Et qu’on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré la main.

A celles qui sont déjà prises
Et qui vivant des heures grises
Près d’un être trop différent,
Vous ont, inutile folie
Laissé voir la mélancolie
D’un avenir désespérant.

Chères images aperçues
Espérances d’un jour déçues
Vous serez dans l’oubli demain ;
Pour peu que le bonheur survienne,
Il est rare qu’on se souvienne
Des épisodes du chemin

Mais si l’on a manqué sa vie
On songe avec un peu d’envie
A tous ces bonheurs entrevus,
Aux baisers qu’on n’osa pas prendre,
Aux coeurs qui doivent vous attendre,
Aux yeux qu’on n’a jamais revus.

Alors, aux soirs de lassitude,
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir,
On pleure les lèvres absentes
De toutes ces belles passantes
Que l’on n’a pas su retenir."

La strophe supprimée
 :

C’est celle-ci :

"A la fine et souple valseuse
Qui vous sembla triste et nerveuse
Par une nuit de carnaval
Qui voulut rester inconnue
Et qui n’est jamais revenue
Tournoyer dans un autre bal"

On retrouve la strophe supprrimée dans la version de Maxime Leforestier (écoutez ici). Et, bien sûr, dans l’édition originale des "Emotions poétiques", recueil publié par Antoine Pol, en 1918, aux Editions du Monde Nouveau.

Cette strophe supprimée se trouvait dans le texte original après celle qui commence par "A la compagne de voyage" (*). En ôtant ce passage, Georges Brassens fait de sa chanson une évocation plus universelle que l’image d’une danseuse.

Antoine Pol, bibliographie :

Emotions poétiques (1918)
Le livre de maman (1924)
Destins (1941)
Plaisirs d’amour (1947)
Croquis (1970)
Coktails (1971).

Site de son petit-fils, Bruno Antoine Pol, auteur aussi d’une biographie d’Antoine Pol dans laquelle le petit-fils relate ces propos de son grand-père l’avant veille de sa mort  : "J’ai écrit Les Passantes, toi tu les entendras chanter pour moi..." Depuis elles ont été traduites en 18 langues.

Pour un poète inconnu, c’est pas mal non ?

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