Rasse, Ryelandt & Vreuls : une littérature belge du Trio avec piano
par Frédéric Degroote
samedi 4 octobre 2014
Nul n’est prophète en son pays. La musique belge est peu connue du grand public, à commencer dans ses propres frontières. Ce disque de musique de chambre joliment intitulé « Perles du patrimoine belge » et paru chez Phaedra, en plus de combler un manque discographique - voyez aussi le somptueux disque Ysaÿe paru chez Musique En Wallonie en mai 2014 - , montre à quel point certains compositeurs de la première moitié du XXè furent déjà de leur temps mieux réceptionnés à l’étranger que dans leur patrie. François Rasse (1873-1955), Joseph Ryelandt (1870-1965) et Victor Vreuls (1876-1944) s’illustrent chacun ici dans une composition mettant à l’honneur le Trio avec piano (piano, violon et violoncelle). Et personne n’est mis de côté puisqu’ils sont respectivement Bruxellois, Flamand et Wallon.
Encore teintées de romantisme et finalement peu ancrées dans les révolutions de début de siècle, ces oeuvres doivent, selon Ryelandt, transmettre un message : « L’essentiel c’est de créer la vraie beauté ». De toute évidence, nos trois compagnons ont l’inspiration longue et leurs cursus respectent ce que la tradition belge faisaient de mieux. François Rasse étudie le violon auprès d’Eugène Ysaÿe, devient professeur au conservatoire de Bruxelles, chef d’orchestre du Théâtre de la Monnaie à Bruxelles, du Captiole de Toulouse et du Concertgebouw à Amsterdam. SonTrio op. 16 présent dans ce disque date de 1897 et est dédié à son maitre Ysaÿe.
Elève particulier d’Edgar Tinel (1854-1912), Joseph Ryelandt devient directeur du Conservatoire de Bruges et professeur de contrepoint au Conservatoire de Gand. Dans son énorme production où il se distingue à l’international avec notamment quelques grands oratorios, on retrouve leTrio n°1 op. 57 composé en 1914/15. Pièce où se fait sentir son tempérament mystique ainsi que l’influence de Mahler.
Enfin Victor Vreuls. Etudiant au Conservatoire de Liège parti rejoindre Paris et Vincent d’Indy à la Schola Cantorum, il devient professeur d’harmonie et d’alto par la suite au sein de cet établissement et finit par diriger le Conservatoire du Luxembourg. Le Trio op. 1 est une oeuvre de jeunesse qui est la preuve d’une forte personnalité : au rude premier mouvement noté « impétueux » succèdent deux parties plus intimistes dont je vous propose d’écouter ci-dessous la dernière, toute en poésie, intitulée « Simple et calme ».
Le I Giocatori Piano Trio, composé de trois musiciens belges, rend à merveille ces pages oubliées où indéniablement mélodies, harmonies et rythmes portent la trace de la musique française. Cet enregistrement providentiel pose aussi la question de la place des oeuvres dans l’histoire de la musique et de la perception de cette « vraie beauté » chère à Ryelandt. Une beauté qu’il suffisait d’exhumer avec un peu de bonne volonté et de passion pour se rendre compte - c’est d’autant plus touchant - qu’elle n’est pas obsolète un siècle plus tard.
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Gems from the Belgian Treasure Trove
Parels uit de Belgische Schatkamers
Perles du patrimoine belgeCollection In Flanders’ Fields vol. 80
François Rasse (1873-1955) - Joseph Ryelandt (1870-1965) & Victor Vreuls (1876-1944)
1) Victor Vreuls - Trio, opus 1 : III. Simple et calme
Hendrik Ide, violon
Ludo Ide, violoncelle
Hans Ryckelynck, piano2014 Phaedra 92080
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