Sartre, le néant d’un être ?

par olivier cabanel
jeudi 23 août 2012

L’histoire est parfois si éloignée de la réalité qu’on en vient à s’inquiéter de la légèreté avec laquelle certains historiens travestissent en légendes dorées des vérités beaucoup plus sombres.

J’avais démontré dans des articles anciens comment, de Jehanne d’arc à Charles de Gaulle, en passant par Henri IV, Napoléon Bonaparte, ou Nicolas Sarközi, que l’histoire telle qu’elle nous était présentée était largement sujette à caution, voire totalement fausse ou du moins incomplète.

En effet, grâce à Henri Guillemin, ce grand historien aujourd’hui disparu, nous avions découvert qu’il est probable que « la bonne lorraine  » n’ait vraisemblablement pas connu le bûcher, puisque des registres attestent sa présence, et même son mariage, plusieurs années après l’immolation racontée. lien

C’est le même historien qui nous présenté un Napoléon bien différent de celui qui nous est décrit dans les livres d’école : un petit homme (1,64 m), coléreux, cynique, probablement épileptique, mufle, histrion hargneux, désordonné, essuyant sur son beau pantalon blanc l’encre de ses plumes, ayant le sang de 3 millions de personnes sur les mains, détestant dans sa jeunesse les français, n’aimant personne, ne sachant écrire qu’imparfaitement, (lien) inculte, baragouinant un français approximatif, (lien) prenant un mot pour un autre (par exemple : armistice au lieu d’amnistie), couchant, d’après l’impératrice Joséphine (et de madame de Rémuzat), avec ses sœurs, manipulateur, aimant éblouir, épater, corrompre et s’entourer de canailles, travestissant certaines défaites en victoires : les seules qualités que l’on ne peut lui enlever, c’est bien sur son intelligence, et sa parfaite maitrise de la communication. lien

Dans son N° 2083, le journal « le Point » évoquant « les mystifications de l’histoire » à pris Napoléon pour l’une de ses cibles, racontant à quel point ce dernier prenait des libertés avec l’histoire, faisant pression sur les peintres de l’empire, afin qu’ils trichent avec la réalité. lien

Quand à Nicolas Sarközi, l’ex président français il avait tenté vainement de se faire passer pour un homme cultivé et hyper diplômé, sauf que son soi disant DEA ressemble plus à une fiction qu’à la réalité, et que son diplôme d’avocat a été gagné de justesse avec un médiocre 10 sur 20lien

Du petit Nicolas au grand Charles, il y a un fossé, et si l’engagement de ce dernier dans la résistance ne fait aucun doute, il n’en reste pas moins une ombre au tableau : lorsque De Gaulle s’est exilé en Grande Bretagne, le Général Weygand, commandant en chef des armées françaises lui avait intimé l’ordre de rentrer au pays, ce que De Gaulle avait accepté, et ce ne serait que grâce à Churchill, refusant de mettre à sa disposition un avion, qu’il serait resté en Angleterre, faisant de lui, en quelque sorte, un « résistant malgré lui ». lien

C’est justement dans la résistance qu’une autre ombre au tableau, bien plus importante celle là, obscurcit la légende de Jean Paul Sartre.

C’est le philosophe Michel Onfray qui grâce à une enquête poussée et méticuleuse a démasqué les évidentes impostures de Jean Paul Sartre, lequel aurait même franchi à plusieurs reprises la ligne jaune de la collaboration.

Il l’a dévoilé dans une série de conférences récentes, diffusée sur l’antenne de France Culture. lien

Regardons donc de plus près l’histoire de ce philosophe, qui a voulu se donner l’image d’un homme de gauche, défenseur des libertés, en se forgeant aussi l’image d’un grand résistant.

En pure perte, semble t-il…

Onfray a exploré quelques pistes, comme celle par exemple de l’évasion de Sartre d’un stalag.

Sa compagne, Simone de Beauvoir assure qu’il s’en est évadé, « trouvant une brèche, et disparaissant, pour réapparaitre en France quelques temps après  ».

Or, la réalité est bien différente : à plusieurs reprises, des prisonniers de ce stalag lui avaient proposé de s’évader, ce que refusa Sartre.

Celui-ci prétendra pourtant avoir pu quitter le camp en simulant une maladie.

C’est Gilbert Joseph qui nous permet de comprendre ce qui s’est réellement passé : il aurait été libéré avec l’aide de Drieu La Rochelle, et suite à la présentation d’une pièce (Bariona) que Sartre avait écrit et mis en scène dans ce camp de prisonnier, pièce dans laquelle il présentait des juifs pouilleux et ridiculisés, amenant la sympathie des soldats nazis.

Sartre avait aussi une étrange vision du monde nazi, et il prétendra en 1933 lorsqu’il était en Allemagne, y avoir passé une « année formidable  » ajoutant «  je n’ai pas compris la signification du défilé des nazis au pas de l’oie (…) mais la plupart des berlinois que je connaissais les prenaient à la rigolade, comme moi…  ».

C’est quelques années après, que lui et sa compagne, profitèrent de l’opportunité de billets de train à prix réduit pour se rendre en Italie, à condition d’y aller visiter une exposition fasciste, avouant en avoir profité « sans scrupules  ».

Etonnante confession de la part d’un homme qui se disait résistant.

Il affirmait en effet avoir édité des tracts, et même un projet de constitution, avouant ne pas se rappeler qui le lui avait demandé, sauf que dans le catalogue des périodiques clandestins diffusés en France de 1939 à 1945, on ne trouve aucune trace des documents qu’il prétend avoir publiés.

Ce que confirme Henri Noguères, le célèbre journaliste résistant, (lien) écrivant à Gilbert Joseph « en une vingtaine d’années consacrées à des recherches et à des travaux sur l’histoire de la résistance en France, je n’ai jamais rencontré Sartre ou Beauvoir ».

Plus grave, il publie à 3 reprises dans une revue bien connue de la France pétainiste : « Comoedia », même si sa compagne affirmait qu’il n’y avait publié qu’à une seule reprise, réalisant tardivement que des textes antisémites étaient publiés dans cette revue.

Son 2ème article paru était un hommage à Jean Giraudoux, alors que celui-ci, commissaire à l’information du gouvernement de Vichy, était connu pour sa haine du métissage, déclarant : «  le pays ne sera sauvé que provisoirement par ses seules frontières ; il ne peut l’être définitivement que par la race française, et nous sommes pleinement d’accord avec Hitler pour proclamer qu’une politique n’atteint sa forme supérieure que si elle est raciale  ».

Dans son 3ème article, sous le titre « les Mouches  », il s’en prendra à la conception de la liberté du juif Bergson.

Et quid de sa déclaration provocante parue dans « les lettres françaises » en septembre 1944 : « jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande  » ? lien

Et même s’il faut comprendre cette phrase à la lumière d’une autre tirée de « l’Etre et le Néant  » : nous sommes « condamnés à être libres  », il n’en reste pas moins que l’on ne peut que constater les contradictions qui émaillent la vie de ce philosophe qui préconisait pourtant « la nécessité de s’engager dans des actions concrètes ». lien

Etrange parcours d’un homme qui relancera avec Serge July, le titre « Libération » lors des évènements de Mai 68, journal justement crée par les authentiques résistants qu’étaient Henri Cabrol, Emmanuel d’Astier de la Vigerie, André Lassagne, Raymond Aubrac et Jean Cavaillès. lien

On ne peut s’étonner dès lors de sa réaction face au mouvement ouvrier lors du front populaire, ne participant pas au vote, regardant seulement passer les manifestations, en argumentant son absentéisme par cette déclaration : « les rassemblements, les défilés, les manifestations, tout ça c’étaient des actions que nous approuvions, mais ce n’était pas notre truc ; vous comprenez, le Front populaire était un soulèvement ouvrier, et nous avions beau être totalement de leur côté, nous n’étions pas des ouvriers, donc si nous prenions part à leur machin, c’était en qualité d’étrangers. Les ouvriers occupaient les usines. J’étais censé faire quoi, occuper mon bureau ? »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le créateur de l’existentialisme, dont le principe rend responsable l’homme de son propre avenir, selon la formule sartrienne « l’existence précède l’essence  », avait d’étranges façons de concevoir le militantisme : s’inventant un passé inexistant de résistant, écrivant une pièce fleurant l’antisémitisme, auteurs d’articles dans une revue pétainiste, s’inventant des arguments pour ne pas participer à la révolte du monde ouvrier lors du front populaire, il est pourtant considéré encore aujourd’hui comme l’un des acteurs majeurs des évènements de mai.

Ian H. Birchall dans son étude intitulée « Sartre et l’extrême gauche  » fait une large description des erreurs et des contradictions de ce philosophe considéré à tort comme un homme engagé, ce que confirme Daniel Bensaïd déclarant : « en passant de l’anticommunisme de principe au concubinage avec les pouvoirs staliniens ou maoïstes, Sartre n’a pas changé d’erreur : il a constamment confondu le projet révolutionnaire avec le stalinisme  ». lien

Comme dit mon vieil ami africain : «  si les lions avaient leurs historiens, l’histoire ne serait pas toujours à la gloire des chasseurs  ».

L’image illustrant l’article provient de « phahn.canalblog.com »

Merci aux internautes pour leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

Site de Michel Onfray

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