« Soan-toi bien », le meilleur antidote à la crise ?!

par Vincent Delaury
mardi 16 juin 2009

Il se pourrait bien que Soan, l’heureux gagnant de la Nouvelle Star 2009, ait été élu parce qu’il incarne une sorte de remède anticrise. Pendant que Lars von Trier, avec sa « caméra malade » (le pauvre bougre est en pleine dépression), nous pond au ciné un Antichrist pas piqué des hannetons, M6, elle, réplique avec un Anticrise en la personne de Soan qui, selon son Myspace (http://www.myspace.com/soantoibien) est « encore plus écrivain, encore moins musicien, toujours minimaliste et pas encore sérieux. Ya pas grand chose à dire quand on éteint le micro. Soan c’est viscéral et ça ne se commente pas, sauf en état d’ivresse. »
 
D’aucuns nous diront, et ils n’auront pas tort, que les téléspectateurs l’ont choisi parce qu’il vient du peuple, directement des entrailles de la ville (il chantait dans le « Gotham City » du métro de Paname avant de venir arpenter le pavillon Baltard, ça le fait !), et donc, non seulement il incarne le mec qui vient du bas pour viser le haut, ce destin est en soi très bankable – la plupart des biopics actuels, de La Môme à Walk the Line via Ali, appliquent à la lettre ce schéma-là - et, en outre, Soan, via sa voix éraillée, son côté punk à chien gothique, son art de rue se voulant criant de vérité et ses choix de chansons françaises populaires (Piaf, Brel, Brassens, Christophe, Noir Désir), vient surtout rappeler que, du fait de la crise économico-financière nous montrant à quel point le système capitaliste bling bling est faillible et superficiel, il faut affirmer, plus que jamais, la colère noire, les sentiments, l’amour, la camaraderie, les choses simples du terroir.* De L’accordéoniste aux Mots bleus, en passant par La Mauvaise réputation, Aux sombres héros de la mer, Le vent nous portera, Les Histoires d’A, Requiem pour un con et autres J’veux du soleil, il s’est livré à un autoportrait chanté dans lequel un maximum de personnes, issues du peuple (i.e. nous !), pouvaient se reconnaître et, en prime, il livrait, sur un plateau TV, une alternative « altermondialiste » à la crise.
 
Look fait de bric et de broc (entre le corsaire et le dandy fin XIXe), à fond dans le barok’n’roll (il faut avouer qu’il connaît bien son histoire du rock & punk - la clope au bec à la Gainsbarre, les paroles oubliées pour torpiller le système médiatique formaté, les références bord-cadre genre The Doors, Bérus, Sid Vicious), Soan s’est voulu près du peuple, genre vieille canaille, comme s’il se chargeait d’incarner notre saine colère, et le public, sur fond de récession économique, de crise du pouvoir et de chômage, l’a logiquement élu. Son J’veux du soleil chanté à tue-tête pouvait faire office de médicament, il se souhaitait et nous souhaitait Tout le bonheur du monde, ça marchait, et, tel un enfant de la crise (mot qui vient du grec krisis - décision), il proposait d’être dans l’alternative, l’opportunité, la dissidence, l’énergie de la rue. Ainsi, façon Pierre Mauroy, Soan aurait pu faire sienne cette phrase : « La crise n’est pas une maladie dont on ne peut sortir : elle est comme une sorte de nouvelle naissance !  » Dont acte. Sans la crise actuelle, je pense que Soan, Gavroche 2009 estampillé enfant du rock et du peuple, aurait été éclipsé par la virtuosité vocale d’apparat de Camélia-Jordana. Mais voilà, le grand truc de Soan cette année, c’était de trimballer avec lui son petit théâtre de rue, à savoir SON univers, leitmotiv et exigence de la cuvée Nouvelle Star 2009 : « J’ai hâte de vous faire découvrir mon univers  » (Mahdi quittant Baltard), « Je kiffe grave ton univers déjanté  » (André Manoukian à Leila), « C’est son univers, celui de la rue » (Philippe Manœuvre, sur Soan). Il est vrai qu’à ce titre-là le Governator Schwarzy, ex-Mister Univers, est certainement en passe d’être célébré comme le plus grand artiste de tous les temps !
 
Maintenant, il reste à savoir si Soan, bad boy d’opérette (?) né du cirque télévisuel d’un télé-crochet, va dans la durée, monter en puissance, affirmer une possible authenticité, ou bien n’être, une fois son show de comédien en « artiste maudit » terminé et la crise finie, qu’un pétard mouillé de plus dans le Grand Avalou de la société du spectacle. 
 
* PS : on aurait la possible version anglaise avec Susan Boyle, « une fille du peuple » elle aussi, révélation 2009 d’Incroyable talent.

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