Sœur Sourire : le fabuleux destin d’une ritournelle

par Julie Dep
jeudi 30 avril 2009

4 petits couplets à la gloire d’un saint et une mélodie gentillette, 1ers au hit-parade mondial en 1963, devant des Beatles en pleine gloire ; des traductions en toutes langues ; une prestigieuse télé américaine venue en Belgique interviewer « Singing Nun » dans son couvent ; des paparazzi qui en font le siège... L’histoire de « Dominique », c’est presque toute celle de Jeanine Deckers, dite Sœur Sourire ; c’est donc sur elle que se concentre le biopic franco-belge de Stijn Coninx interprété par Cécile de France.

Fille unique d’artisans boulangers qu’elle désespère avec ses lubies et vocations successives, à 25 ans Jeanine voit un film sur l’Afrique. Elle s’enrôle au couvent, étape obligée d’une missionnaire. S’y ennuie, refuse d’obéir. Comme elle est bonne fille - la supérieure aussi -, on lui rend sa guitare. Dominique, du nom du saint patron de la congrégation, prend vie. Un prêtre en visite, pensant - non sans raison - que la chanson pourrait rapporter de quoi réparer la chapelle, convainc la mère supérieure de tenter une audition...

Dominique nique le King, les Beatles et tout le box office

Pendant des années Dominique nique, nique est chantonné et siffloté dans le monde entier. (Sans arrière-pensée grivoise, le parler caillera n’ayant pas encore cours, et par toutes les générations.) Mais sans rapporter un sou à Jeanine, qui a signé en faveur de l’Eglise un abandon de droits, et qui se met à rêver de scène et d’indépendance alors qu’elle n’est pas même propriétaire de son pseudo.

Commence alors la descente de ceux qui n’ont eu qu’une gloire fugace. Défroquée, elle n’intéresse plus qu’une poignée de Canadiens, qui applaudissent Dominique, mais pas l’apologie que Jeanine fait de la pilule ou de la rénovation de l’Eglise en cours avec Vatican II. Comme on ne fait pas un tour de chant avec un seul titre, et que son vrai nom ne dit rien à personne, elle tente de faire entendre n’importe où - à l’Alcazar du coin, dans des cafés borgnes - le reste d’un répertoire dont on comprend qu’il n’ait pas rencontré le même succès.

Elle n’a chanté qu’un seul été

Quelques chansons d’exception, unique œuvre à succès de leur auteur, traversent ainsi les âges : Plaisir d’amour, Stille Nacht... Jeanine, elle, avait cru par les siennes susciter des vocations, ranimer la foi , contribuer à "moderniser l’Eglise". Elle n’a atteint aucun de ses objectifs. On voudrait pour cette milliardaire du disque sans un sou une autre fin : qu’avec ce beau souvenir en poche, sœur Luc-Gabrielle (son nom de dominicaine) réalise en Afrique l’orphelinat de ses rêves ; ou qu’elle parvienne à cet amour humain dont elle se lamentait d’être incapable. Typique des adolescentes de l’époque éprises d’absolu, insatisfaites, décidées à tout pour échapper au destin tracé, on la trouverait aujourd’hui au théâtre ou dans une ONG.

Irrésistible de naturel, Cécile de France en grande Duduche marrante un peu garçon manqué, la coupe au bol et les lunettes ringardes, rend la bal(ll)ade agréable, ainsi que les seconds rôles, où brille Mme Tsilla Chelton en malicieuse doyenne du couvent. Un film sensible, sans prétention, à l’image du tube qui l’inspire.

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