« Solness » par Jacques Weber, Mélanie Doutey & les autres...
par Theothea.com
lundi 20 septembre 2010
S’il est quelque peu étrange de faire appel au talent mythique d’Edith Scob, alors que celle-ci doit se vouer au double déni de briller à la fois en tant que femme et en tant que comédienne, il est non moins enchanteur d’apprécier, en gros plan, le couple vedette hors de toutes autres conjonctures relationnelles.
De Jacques à Mélanie, le courant artistique passe à un tel point qu’il est fort peu aisé d’en déduire à qui profite davantage l’opportunité de leur rencontre sur scène, initiée par Hans Peter Cloos.
Jacques Weber qui donne souvent l’impression d’être oppressé par la charge de son savoir-faire, gagne ici, beaucoup, à se laisser envahir par les composantes enjôleuses et ludiques de sa partenaire ; quant à Mélanie Doutey, elle porte, par un jeu extraverti dirigé de main de maître, la qualité de leur duel complice à la hauteur de l’état de grâce.
Dans ce registre favorable aux numéros d’acteur, qu’en est-il de Solness, ce constructeur de génie, devenu paranoïaque face aux forces de la jeunesse suspectées de vouloir le déloger de sa position dominante ?
Une lecture à front renversé de la pièce d’ Ibsen pourrait, sans doute, éclairer le point de vue implicite de Hans Peter Cloos :
A son insu, ce serait Hilde qui mène le bal, toute emportée par la puissance inexorable d’un rêve à construire autant qu’à réaliser jusqu’aux conséquences ultimes de l’ambition.
En effet, au pays des merveilles, quoi de plus légitime que de vouloir se faire offrir un royaume doté d’un incontournable château tout auréolé de joyeux nuages ?
Et qu’importe le vertige chronique de Solness, si la spéculation de leur bonheur ne devait tenir qu’au défi d’aller coiffer la tour la plus haute d’une couronne de fleurs, gage de la toute puissance de leur fascination mutuelle ?
Dans un décor de Jean Haas où une palette hyperréaliste de noirs et de blancs induirait l’esquisse d’un bureau d’architecte, en morphing d’un carrosse de bal pour l’au-delà du miroir, les voilà donc embarqués dans un délire jubilatoire dont ils vont partager l’enivrante addiction avec les spectateurs, en retardant le plus longtemps possible le réveil redouté au cœur d’une chute onirique sans fin…
Affiche / photo © Laurent Speller (vu intégral)
SOLNESS le constructeur - **** Theothea.com - de Henrik Ibsen - mise en scène : Hans Peter Cloos - avec Jacques Weber, Edith Scob, Mélanie Doutey, Jacques Marchand, Thibault Lacroix, Nathalie Niel & Sava Lolov - Théâtre Hébertot