Sur les traces de Surcouf

par Voris : compte fermé
mardi 14 août 2007

Descendant de corsaires et corsaire lui-même, Surcouf arraisonna près de cinquante navires ennemis sur les mers. A terre, il se battit en duel avec tout un régiment de Prussiens. Entre-temps, il se paya la tête de Napoléon Ier en lui marchant dessus ! A notre époque, c’est le chef cuisinier le mieux réputé de Bretagne qui marche, non pas sur la tête, mais sur les pas de Surcouf...

Voici les portraits de deux étonnants voyageurs ! Le Salon du livre "Etonnants voyageurs", qui a lieu chaque année à Saint-Malo, s’est déroulé en mai. Le nom de ce salon, dont la paternité revient à son directeur et écrivain Michel Le Bris, s’applique bien à deux Bretons dont nous allons faire les portraits : Robert Surcouf, le corsaire, Olivier Roellinger, le cuisinier.

 

Surcouf le corsaire : légendaire, mais vrai !

L’histoire de ce diable d’homme n’a rien à envier à Pirates des Caraïbes qui n’est que du cinoche. Robert Surcouf est né en 1773 dans le petit village de Binic, près de Saint-Malo (ou à Saint-Malo même, selon certains), ville où il mourra en 1827. Embarqué comme mousse à l’âge de 13 ans, Surcouf devient capitaine à l’âge de 20 ans. Cette précocité a des raisons familiales. Il descend de Duguay-Trouin par sa mère et possède plusieurs corsaires dans sa généalogie.

La flibuste dans la peau : à l’âge de 23 ans, il entre dans la légende en prenant à l’abordage un vaisseau britannique, trois fois plus important et plus armé que le sien, avec un équipage de seulement 190 hommes. Mais il ne s’arrête pas en si bon chemin. Avec son bateau qui ne possède que deux canons, il s’attaque avec succès à un gros trois-mâts de la compagnie des Indes, Le Triton, armé de 26 canons ! Son habileté tactique est remarquée par Napoléon qui fait appel à ses services. Dès lors, pratiquant la guerre dite "de course", Surcouf va arraisonner rien moins que 47 navires au cours de sa carrière. Sa tête sera mise à prix par les Anglais et les assureurs de l’époque. Mais il ne se fit jamais prendre et mourut dans son lit.

Robert Surcouf est devenu légendaire et redouté de tous nos ennemis à la suite du son fait d’armes spectaculaire : la prise du Kent, le 31 août 1800 dans le golfe du Bengale. Cet événement est associé au dialogue suivant qui en dit long sur la force de défi du corsaire breton :

- Officier du Kent : "Nous, Anglais, nous nous battons pour l’honneur, et vous les Français, vous vous battez pour l’argent  !"
- Surcouf : "L’on se bat toujours pour ce que l’on n’a pas."

L’affront à Napoléon : Surcouf n’était pas du genre à composer avec qui que ce soit. La discipline n’était pas son point fort non plus. Quand Napoléon se déplace en personne en 1803 pour le convaincre d’accepter une commission de capitaine de vaisseau et le commandement d’une escadre, Surcouf refuse parce qu’on ne lui accorde pas l’indépendance de manoeuvre totale qu’il réclame. Ce n’est pas tout. Comme Surcouf avait amassé une fortune colossale (qu’il faillit perdre parce qu’il avait écumé la mer sans lettres de marque), il lui prit l’envie de paver l’entrée de son domicile avec des napoléons d’or. L’empereur fit savoir qu’il s’y opposait. Surcouf lui répondit qu’il le ferait quand même, mais en plaçant les pièces sur la tranche ! Le dialogue rapporté entre Surcouf et Napoléon est celui-ci :

- Napoléon : "Je ferai de vous un homme riche !"
- Surcouf : " J’ai déjà tout ce qu’il me faut : mon cabinet est tapis de lingots d’or"
- Napoléon (offusqué) : "Comment ? Mais vous me marchez sur la face !"
- Surcouf : "Non Monsieur, je les ai disposés sur la tranche..."

Tout ne s’achète pas et Surcouf, bien que riche, ne perdit jamais la tête pour des raisons de fortune. Une fois l’Empire abattu, Surcouf accomplit un dernier exploit. Saint-Malo étant occupé par les Prussiens, il se prit de querelle avec eux et défia en duel tous les officiers du régiment concerné. Les Prussiens, qui étaient experts au sabre, relevèrent l’offre avec entrain. : Surcouf étripa les quinze premiers à la suite ! Il laissa aller le dernier (qui était le plus jeune) pour qu’il puisse témoigner que tout s’était passé dans les règles.

Tout ne s’achète pas, donc, et on ne triche pas non plus. Tel était Surcouf.

Olivier Roellinger

Trois étoiles au Guide Michelin (le seul en 2006 en Bretagne a avoir gagné ce rang), le cuisinier Olivier Roellinger conduit ses convives sur la route des épices, comme l’avait fait auparavant cet autre malouin : Robert Surcouf. "Faire de la cuisine, c’est avoir quelque chose à dire, et moi j’ai quelque chose à dire en tant que Breton... Pas en tant que cuisinier", confie-t-il à la revue Bretons.

L’enfance de ce chef cuisinier a été bercée par les récits d’aventures du corsaire Surcouf qui a passé son enfance dans le jardin qui jouxte sa maison.

Olivier Roellinger est né à Cancale en 1955. En 1976, il est étudiant en Maths sup et il a de brillantes études en perspective. Mais son destin sera ailleurs. Alors qu’il se promène sur les remparts de Saint-Malo, cinq jeunes munis de barres de fer le tabassent. Il se retrouve les os brisés et mettra deux ans à s’en remettre sans savoir s’il allait pouvoir remarcher. Fini les études et les régates. Il se met à cuisiner pour "croquer la vie". Aujourd’hui, il est devenu un des plus grands représentants de la cuisine française contemporaine, et un promoteur reconnu du métissage culinaire. La cuisine de ce chef exceptionnel vous fait voyager.

C’est en 1982 qu’il fonde une table d’hôte dans la demeure familiale, une malouinière se nommant "Maison de Bricourt" à Cancale. La maison date de 1760. Elle fut construite par de riches armateurs qui faisaient commerce d’épices et de bois à Saint-Malo. Son saint-pierre "retour des Indes" est renommé. Il mêle des ingrédients locaux et des épices, rappelant le lien de Saint-Malo avec la route des Indes. L’invitation au voyage fait corps avec la vie des Malouins. Olivier Roellinger ne fait pas exception à la règle. Il se nourrit - c’est le cas de le dire - des lointains ailleurs, il voyage par les saveurs.

Si vous n’avez pas la chance de séjourner à Saint-Malo, plongez-vous dans le monde fabuleux des épices et des saveurs du large tout en vous imprégnant de littérature. Ou bien, retrouvez votre âme d’enfant et revisitez les histoires des corsaires, des vrais ! Pas des corsaires de pacotille d’Hollywood ! Voici les liens :

La Maison de Bricourt.

Olivier Roellinger, étonnant voyageur.

Le monde des corsaires.


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