Suspendre le vol du temps avec « Le prestige », de Christopher Nolan
par Sandra.M
lundi 27 novembre 2006
L’intrigue se déroule à Londres, au début du siècle dernier. Un magicien, Robert Angier (Hug Jackman), meurt lors de son tour emblématique qui électrise les foules, « le nouveau transporteur ». Son rival, Alfred Borden (Christian Bale), est accusé et emprisonné. Robert Angier et Alfred Borden sont deux magiciens qui s’opposent d’abord amicalement, puis avec une haine et un orgueil vengeurs lorsque Borden aura, par ambition pour son art, provoqué accidentellement la mort de l’épouse d’Angier. L’envie de surpasser l’autre et de provoquer sa ruine va alors devenir obsessionnelle, et l’assistante d’Angier, Olivia, (Scarlette Johansson), qui sera ensuite celle de Borden, va être l’instrument de la passion dévorante des deux hommes pour leur art...
Le prestige, c’est le dernier acte d’un tour de magie. Le premier acte, la promesse présente au public une situation banale. Le deuxième, c’est le revirement, l’extraordinaire. Enfin, c’est le prestige, le dernier acte, le plus fascinant. Le film est lui-même construit à l’image de ces trois actes, étant tout entier une formidable métaphore d’un tour de magie d’abord, de la magie du cinéma ensuite. Le spectateur se trouve alors dans la même situation que le spectateur des spectacles d’Angier et Borden : intrigué, puis admiratif, puis fasciné.
« Vous n’avez pas envie de comprendre, vous avez envie d’être dupé. » Cette voix off pourrait s’appliquer aussi bien au cinéma qu’au spectacle, auquel assistent les spectateurs, des tours de magie d’Angier et Borden. Le spectateur a tous les indices sous les yeux, et ne voit que ce qu’il a envie de voir ; pourtant la clef, il l’a, dès le premier plan du film, celui de ces multiples chapeaux amoncelés, et dans de nombreux plans suivants. Mais il préfère se laisser embarquer, oublier que le temps passe, oublier qu’il y a une clef au mystère, oublier que c’est du cinéma, oublier la réalité, tout simplement.
Un prestigieux divertissement que l’on regarde comme un tour de passe-passe avec des yeux d’enfant écarquillés. Un prestigieux divertissement, et pas seulement : on se demande aussi jusqu’où, jusqu’à quels sacrifices on peut aller par amour pour son art, quel qu’il soit, presque jusqu’au déni de soi-même en l’occurrence. C’est ce qui, aussi, de prime abord différencie les deux magiciens : l’un est prêt à tous les sacrifices. L’autre, non. Mais jusqu’à quel point le désir de vengeance et surtout la passion pour leur art, leur obsession de vaincre l’autre, l’orgueil vont-ils les pousser à enfreindre les règles qu’ils s’étaient fixées ? Jusqu’au point de non-retour, peut-être, quoique rien n’y soit jamais certain ou univoque...
Ce Prestige est un film en trompe-l’œil, une véritable symphonie visuelle à laquelle Londres sert de cadre dans une atmosphère obscure et envoûtante. A vous de voir si vous ne voulez rien voir... A vous de choisir si vous préférez être dupés ou comprendre, si vous préférez le prestige ou la vérité, si vous préférez le cinéma ou la réalité, le fantastique ou la science.
En tout cas, un film ensorcelant et captivant, qui joue avec notre regard et notre attention, notamment par des flash-backs qu’affectionne d’ailleurs Christopher Nolan, une brillante métaphore et démonstration de la magie... du cinéma, que je vous recommande vivement.
En février sortira The Illusionist d’Edward Norton, présenté au dernier Festival du cinéma américain de Deauville. On y retrouve cette même atmosphère sombre. Des deux, je vous recommande néanmoins le premier, le second vaut le déplacement uniquement pour la formidable performance d’Edward Norton.
A noter : David Bowie interprète Tesla, qui a véritablement existé, et a découvert le champ magnétique rotatif.