Tamara Drewe : le dernier film de Stephen Frears est un avatar moderne des Liaisons dangeuses
par Tailleur d’Images
samedi 17 juillet 2010
Avec Tamara Drewe, Stephen Frears renoue-t-il un dialogue entamé avec les personnages des Liaisons dangereuses ?
Pour ma part, aucune hésitation, je réponds oui ! Les parallèles sont nombreux entre les deux oeuvres, démonstration !
Tamara Drewe, un film anglais truculent et réjouissant
On rit beaucoup avec le dernier film que Stephen Frears nous offre : les comédiens incarnent de façon tout à fait savoureuse the cream of peach des lettres anglo-saxonnes. Leurs travers et ridicules nous sont présentés avec un regard sans concession.
Synopsis
Tamara Drewe, forte de sa nouvelle vie, retourne affronter ses anciennes amours au fin fond de la campagne anglaise. Un nouveau nez, un corps de rêve, une carrière à succès dans le journalisme et des amours tumultueuses et scandaleuses avec des rocks stars, c’en est trop pour ce petit monde qu’elle remet en question !
Un film habité par les médias
L’écriture est placée au cœur du film, puisqu’il prend pour cadre une résidence d’écrivains. Différentes catégories d’hommes et de femmes de lettres, fruits de notre société contemporaine, échangent et s’interrogent sur deux sujets qui les obnubile : comment être publié, et comment rencontrer le succès.
Mais la littérature est bien plus qu’un thème, elle est l’essence même de ce film :
Ainsi le Tamara Drewe de Frears est tiré du roman en bande dessinée de Posy Simmons, habituelle du genre, puisque son Gemma Bovary a lancé ce nouveau genre : l
D’ailleurs pour Tamara Drewe, Posy Simmons est allée puiser dans
Le genre épistolaire revisité par les technologies contemporaines
Le progrès s’est immiscé dans ce genre qui a marqué l’apogée du bel esprit, à savoir le genre épistolaire, et ses pâles descendants incarnés par l’email et le téléphone portable ne communiquent plus, malgré leur sophistication technologique, que des messages insipides et expéditifs.
Une comédie de mœurs
Le film met en scène les différents métiers qui en créant des œuvres, insufflent à la société un imaginaire. Le constat dressé est plutôt lamentable, puisque ces romanciers, journalistes et rock stars, plus enclins à se débattre avec leur ego et leurs désirs, semblent peu inspirés…
Deux adolescentes désespérées
Pur produit de leur époque, ces deux adolescentes se débattent avec les fantasmes que leur insufflent les tabloïds. Leur langage fleuri et averti n’a d’égal que leur désespoir face à la médiocrité de leur vie, rendue plus criante par les paillettes dont sont recouvertes les vies de leurs idoles.
Elles sont le fruit des œuvres des pairs de nos écrivains, journalistes, et à l’instar du monstre de Frankenstein, elles vont se confronter à leur créateur.
Des Liaisons dangereuses contemporaines ?
Les parallèles sont nombreux entre les personnages, l‘intrigue et les enjeux de Tamara Drewe et les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, dont Stephen Frears a réalisé précédemment une brillante adaptation cinématographique.
Pour ma part, aucune hésitation, les preuves sont là, sous nos yeux : Tamara Drewe est bien une continuation des Liaisons dangereuses, que Frears ait sciemment renoué un dialogue interrompu, ou qu’il se soit inconsciemment dirigé vers des enjeux identiques.
Une symétrie entre les Liaisons dangereuses et Tamara Drewe
Ces deux œuvres placent le genre épistolaire et la littérature au cœur de la réflexion : s’ils servent de support à l’intrigue, il y a également une interrogation sur l’influence qu’ils exercent sur la société, et sur la perversion de la jeunesse. L’erreur d’épouser Madame de Tourvel (Tamsin Greig), la dévouée dévote, qui lui a ménagé une prison douillette et étouffante, pour ne pas dire castratrice.
Des personnages qui font écho à ceux de Laclos
L’écrivain à succès qui règne sur ce petit monde (interprété par Roger Allam) est un parfait avatar du célèbre vicomte : éternel coureur de jupons, son arme est le verbe, qu’il manipule à l’envie afin de briller en société.
Par contre il a commis l’adaptation graphique et contemporaine de chefs d’œuvre de la littérature (vous aurez reconnu l’inspiration issue d’Emma Bovary de Flaubert).Loin de la foule déchaînée, un roman de Thomas Hardy, que l’on retrouve au cœur de Tamara Drewe.
Veillissant, il est un être machinal.
Tamara (Gemma Arterton), ingénue à souhait, aux appétits sexuels et affectifs débridés, serait une Cécile de Volanges.
Je retrouve un peu de Danceny personnage dual, dans les deux play boys qui se disputent les faveurs de Tamara : l’hériter ruiné (Luke Evans), qui loue ses bras afin de vivre chichement, et chanteur de rock indépendant à succès (Dominic Cooper). Le chevalier Danceny était le maître de musique de Cécile…
Ma démonstration vous a-t-elle convaincus ? Partagez-vous mon regard sur le film de Stephen Frears ? Je suis curieuse de savoir ce que vous en pensez !