Une expérience d’Avatar

par sycander
lundi 21 décembre 2009

(Il neigeait tellement que j’ai pris du retard à mon RDV chez le docteur Sycander. J’appréhende, normal, ma première entrevue avec lui. Donc, j’arrive devant chez lui avec 55 minutes de retard… Il est là, fumant tranquillement la pipe en m’ouvrant la porte)

Interviewiste jeune et dynamique : Bonjour docteur ! Vous allez bien ? enfin, vous allez mieux ? j’ai cru entendre que vous avez traversé une mauvaise passe…

Docteur Sycander : Salut. T’es en retard. La neige ?

I : (surpris !) Oui… Il y avait une petite vieille au volant devant moi…

Dr S : Ah, les vioques. C’est triste, à leur âge, de ne pas pouvoir savourer les merveilles technologiques que sont les machines qui te gardent dans le coma. Tu as froid, man. On va se réchauffer en buvant un bon thé. Au fait, n’évoque plus cette mauvaise passe…

I : Ah ah ! et on va mettre du rhum dedans ?

Dr S : Toi, t’as un problème. A cette heure là ? peut être pas, non. Et puis dans du thé, faut être quand même, sinon entièrement, un peu con. Tu serais pas un peu con, par hasard ?

I : Haha, non, un fêtard peut être, comme vous et…

Dr S : Stop, n’en dis pas plus, ça pourrait méchamment te desservir. Comme tu ne m’as pas l’air éveillé, on va directement trancher dans le vif : Avatar, le film qui a germé pendant quinze ans dans la tête fleur bleue de Cameron, le film de tous les superlatifs.

I : C’est ce que disent toutes les critiques, oui.

Dr S : Ben, c’est que ça doit être vrai. Faut dire, le budget du film est juste un tantinet moins élevé que le PNB de Sierra Leone. Un demi milliard de dollars… ça laisse songeur, hein, de tout ce qu’on peut faire avec. Mais justement, c’est là que le bat blesse… Enfin, j’y reviendrai. J’adore quand les gens sont à ce point idiots, que leurs actes sont leur propre antithèse… Le principe de tout homme de gauche, à vrai dire. De gauche, comme de droite, aussi.

I : Quel est le rapport avec la politique.

Dr S : Mais tout, aujourd’hui, à un rapport à la politique. On vit dans une société malade d’elle même, tu le sais, non ? Enfin, pour en finir avec le rapport qualité prix de ce film, on va juste dire que princesse mononoke a couté 25 millions de dollars. 20 fois moins, pour être aussi -non, plus- efficace dans son message. En fait, avec ces 20 fois plus de dollars, Cameron a jarreté toute poésie de son film. C’est cher, de faire partir la poésie.

I : Pourtant, il paraît que la poésie est là, dans les images, sur la planète…

Dr S : Ouais, enfin depuis quand la poésie, on la définit avec des images 3D ? Oui, c’est beau, c’est mignon, y’a rien à dire la dessus. La poésie, c’est l’allégorie littéraire de l’absolu. Ici, c’est Aliens au pays des schtroumpfs. J’y reviendrai. Personnellement, Avatar, niveau poésie, c’est… vide. Je te dis, le scénar pourrait tenir en trois lignes. Tiens, écris :

« Sur une planète où vivent des grandes bestioles humanoïdes bleues, y’a un super métal, mais c’est sous l’arbre sacré des bestioles bleues. Un marine paraplégique incarne un corps de synthèse d’une de ces bestioles et les infiltre pour les faire dégager. Il finit par les aimer, et tombe amoureux d’une alien, et puis, il mène leur révolte contre les méchants humains colonisateurs, et surtout le méchant colonel. A la fin, il gagne.« 

Ouah. Balaise. Tiens, dis moi ce que tu penses de ça :

« Sur une planète où vivent des petites bestioles humanoïdes bleues dans des champignons, y’a rien à bouffer. Alors le méchant veut bouffer les bestioles bleues qui aiment la nature. Il les fait infiltrer par une femelle plutôt chaude, mais elle tombe amoureuse de leur style de vie et le méchant est couillé. A la fin, les bestioles bleues gagnent tout le temps.« 

I : C’est quoi ça ?

Dr S : Le méchant, il s’appelle Gargamel dans cette histoire.Tu n’as aucune culture ou quoi ? Enfin bon, comme tu vois, il a fallut 15 ans a James Cameron pour nous pondre le synopsis des schtroumpfs. Soit disant qu’il ne pouvait pas le réaliser avant, faute de moyens techniques… Ce qui lui laissait quand même le temps de penser au scénario, non ??? Putain, mais là on dirait le travail d’un ado amoureux… Georges Lucas in love… Sauf que Star Wars a un background. Là c’est vide. Tout le background est balancé dès les premières minutes. Et après, ça ne suit plus… Mais bon, là où ça devient comique, c’est que… tout le monde l’a dit : c’est cowboys contre indiens dans l’espace, ouais. Méchants les cowboys, gentils les indiens. Tout ça au nom du capitalisme, en plus ! bouh ! Je me demande pourquoi les humains se haïssent autant ?

I : Ben, c’est vrai que, d’après ce que j’ai vu, ils arrivent et font leur loi, et tuent les natifs…

Dr S : Les autochtones… Bordel, il lui a fallut 15 ans… 15 ans, putain !!! pour finir par appeler ces schtroumpfs géants des Na’zis… Non, chapeau, vraiment.

I : Non, c’est les Na’vis.

Dr S : Ouais… Des xenos. Pourquoi, pourquoi les humains se haïssent autant ? C’est quoi ce truc, là ? Quand on voit ça, on ne peut souhaiter que l’holocauste final, c’est pas possible… L’humain est lourd dedans, insupportable. Tout ça au nom du capitalisme, en crachant sur l’écologie. C’est d’un pessimisme violent sur l’espèce humaine. Aucune fierté. Merdre, mais ça doit être le pied de saccager du Xenos, ces abominations bleues ! Histoire de leur montrer la toute puissance de l’Humanité ! On a fortement besoin d’esclaves en plus, maintenant qu’on a protégé -comme des cons- les plus faibles des hommes.

I : C’est horrible, ce que vous dîtes, je peux pas vous laisser dire ça !

Dr S : Et pourquoi ? T’aimerais pas avoir un esclave à ton service, toi ? Un truc qui n’a aucune considération de lui même ? A qui tu pourrais faire faire ce que tu veux ? Moi je l’avoue. Ne suis pas hypocrite. Pas comme Cameron. Le mec qui crache à mort sur le capitalisme bouffeur de vie, bouffeur de tout, irrespectueux, mais qui nous fait un putain de film sans scénario à 500 000 000 de dollars… Tu vois pas comme un problème, toi ?

I : Vu sous cet angle, c’est sûr, mais quand même, vous parlez d’êtres humains, là, avec vos esclaves !

Dr S : Ouais… Tu veux sincèrement lancer le débat sur l’identité humaine ? Car bon, dire que tout le monde est doué d’esprit critique, de vie, et tout et tout, c’est un peu s’aventurer dans le néant. Regarde Cindy Sanders. Regarde BHL. Avoue-le, tu aimerais bien faire de BHL ton esclave.

I : J’ai rien contre lui.

Dr S : Toi, tout à l’heure, tu sors, et on ne se reverra plus, d’ac ? Bon, mettons, tu pourrais faire d’Hitler ton esclave, tu le ferais ?

I : …Ouais, c’est clair, mais là, c’est pas pareil.

Dr S : Et pourquoi ? Tu vois, tu es ta propre antithèse. Tu n’es qu’une hypocrisie fade.

I : Mais je pense que personne n’a à être traité de la sorte !

Dr S : A d’autres. tu viens de me dire le contraire. Donc, je disais que j’enverrai bien les meilleures unités de combat pour destroy de l’abomination bleue. Après, t’imagines la bouffe qu’on pourrait faire avec les nouvelles bestioles là bas ? De quoi renouveler la gastronomie ! De nouveaux goûts, de nouvelles saveurs ! Fichtre ! De nouveaux ALCOOLS, man ! Imagine, là… haha ! Le seul arbre où tu pourrais cueillir le fruit qui te donnerait le meilleur alcool de l’univers est l’arbre sacré de ces xenos bleus primitifs. Alors ? Tu fais quoi ? Imagine, un alcool qui contiendrait des trucs qui le rendrait inoffensif pour le corps… sauf l’ivresse, évidemment. Et en plus, on peut en faire de la bière, du vin, du spiritueux… Alors… Alors ? Haha ! On sait pas quoi faire, là, quand ça nous touche, hein ?

I : On peut toujours parler…

Dr S : Parler ? avec des xenos ? Encore faut il se comprendre. Là, d’ailleurs, aucun soucis pour eux de parler anglais. Vite fait, il évoque des écoles… mmm. En fait, dans ce film, la situation a échoué à cause des gens qui voulaient parler au début… Je te rappelle qu’on parle de l’avenir de l’humanité, là… Et tout est foutu en l’air par un paraplégique à qui on a rendu un corps. Quand je dis qu’il faut supprimer le téléthon.

Voilà. Un film de tous les superlatifs qui, désolé James, ne révolutionnera pas le cinéma, ni l’hypocrisie. Un film qui fait voyager, ça c’est clair, grâce à la 3D et à la qualité de ces décors. Même si, à la fin, ça me file un peu la gerbe, la 3D. Bref, un film pour faire rêver le paraplégique de la tête (images) ou des jambes (scénar). C’est pas nul, non, c’est juste que l’écriture est pas là, et que je suis exigeant, et que je ne comprends pas qu’on donne tant de thune à un mec pour faire ça, ce truc faussement écolo dénonceur de capitalisme… Si J.J Abrams avait été dessus… Bref, c’est du gâchis. Mais du beau gâchis. Maintenant casse toi.

I : Attendez ! Et la critique de Télérama !

Dr S : Ah oui ! Alors… Haha, ils lui ont mis une note pourrave…(il lit) haha. Morice ! C’est de Morice. Donc, ça va… bof. Ah, mais attends… Que dit ce mystérieux Aurélien Ferenczi ?

(Il devient tout pâle, et se dirige vers son bar, d’où il tire une bouteille de rhum…)

Il a aussi… Ah !

(Devant son déchainement de colère, je m’éclipse comme je peux)

Pas de verdict, du coup !


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